Assise dans sa cuisine, Leah est nerveuse. Enfin, c’est rendu un état d’esprit perpétuel chez elle, mais en ce moment il est pire que d’habitude, parce qu’elle sait que Dionysos vient chez elle. Son appartement n’a rien de fabuleux : il s’agit d’un trois pièces tout simple, avec peu de meubles. Comme elle a reparti à neuf, elle s’est contentée de l’essentiel. Toutefois, avec peu de chose, elle a réussi à le décorer simplement mais avec goût. Et la vue qu’offre l’immense fenêtre de son living room vaut franchement le coup d’œil. C’est un peu sur un coup de tête qu’elle a décidé de contacter Dionysos et de l’inviter chez elle. Elle a été plus que surprise de l’entendre accepter, et c’est le cœur léger qu’elle a littéralement mis la main à la pâte en décidant de lui concocter un repas. Sauf que là, sa pâte à pizza est franchement manquée, et elle n’a pas vraiment le temps d’aller acheter de nouveaux ingrédients avant qu’il arrive. Si c’est vraiment immangeable, ils n’auront qu’à se commander un truc où à grignoter des chips pour leur repas. Pour la dixième fois de la journée, elle jette un coup d’œil à son téléphone, certaine d’y trouver un message de Dionysos qui annulera leur rencontre, mais elle est plutôt surprise d’entendre qu’on cogne à sa porte. C’est un sourire aux lèvres qu’elle va ouvrir celle-ci.

Le téléphone est devenu mon pire ennemi depuis quelques temps. Dès qu'il sonne, je pense que c'est Leah qui me donnera des nouvelles pour Jack et l'avocat, alors que je tombe sur des faux numéros, des gens qui veulent parler à Keely, ou alors des démarcheurs qui vendent des portes et des fênetres, quand c'est pas des assurances. Mais ce jour là, quand je décroche, c'est elle. Je souris malgré moi derrière le combiné et quand elle m'invite à passer chez elle, j'accepte, persuadé qu'elle va m'apprendre de nouvelles choses, et que notre affaire va avancé. J'ai rapidement prit une douche, ait enfilé un jean et un t-shirt avant de partir en direction de son appartement, à l'adresse indiquée. Une fois devant la porte, j'hésite franchement. Est-ce vraiment une bonne idée de la revoir en personne ? Alors que nous pouvions nous parler justement par téléphone ? ça fairait sans doute moins mal, et ça serait plus... lâche. Je frappe à la porte, et attend qu'elle s'ouvre pour y entrer, saluant Leah d'un sourire. Salut... Désolé pour le retard, le bus était pas à l'heure. Oui, flemme de prendre ma voiture.

Leah balaie ses excuses d’un geste de la main, trop heureuse de le voir. Fidèle à son habitude, il est à tomber. Leah n’a jamais eu un genre particulier d’homme, se basant davantage sur la chimie naturelle qui s’installait entre elle et l’autre, et le charisme. Mais Dionysos est beau, elle l’a toujours trouvé beau. Et même s’il a changé, même s’il a coupé ses cheveux et qu’il a mûri ces dernières années, elle le trouve toujours beau, même peut-être plus qu’avant. « Pas de problème. Entre! » Elle se pousse un peu, afin qu’il ait la liberté d’entrer chez elle. « Bienvenue chez moi! Ce n’est pas grand-chose… » Elle se rappelle lorsqu’elle vivait avec lui, à quel point leur appartement était magnifique. Il était hors de prix, mais ils arrivaient malgré tout à payer leur loyer, refusant de quitter ce petit coin de paradis. Disons qu’en comparaison, son nouveau logement est bien humble. « Tu veux boire quelque chose? »

A peine avais-je fais un pas dans son appartement que je me suis mis à le comparer au notre. ça n'a pas duré longtemps, il n'y avait vraiment rien en commun entre les deux... Avec celui que j'avais non plus, remarque. JE suis entré, et ait fait rapidement le tour de la pièce principale avant de m’asseoir sur le canapé, posant une bouteille de vin sur la table basse. On ne va jamais chez un invité les mains vide, mes parents me l'ont toujours dit. Même quand cette personne est certainement celle qui vous a fait le plus de mal au monde. Je veux bien un soda, si tu en as du frais... Hors de question de prendre de l'alcool, c'était devenu un geste trop quotidien que je faisais sans raisons. J'attends qu'elle me rejoigne dans le salon, avant de lui demander des nouvelles, mais une odeur t'arrive aux narines. ça sent pas le brûlé ? Je renifle, mais ne peut pas m’empêcher de sourire. Tu... as préparé à manger ?

Dans la cuisine, alors qu’elle remplit deux verres de soda, Leah tente de se calmer un peu. Elle est tellement nerveuse de sa présence que ça en est ridicule. Après tout, ils se connaissent par cœur tous les deux! Quoique, ils ont beaucoup changé au courant de ces dernières années, alors tout sera à redécouvrir… Mais encore faut-il qu’il le veuille! Elle revient avec les verres, toujours aussi souriante. C’est seulement lorsqu’il demande si elle a préparé à manger qu’elle sent l’odeur de brûlé qui envahit tranquillement son appartement. Ses yeux s’agrandissent soudainement. « Merde!! » À peine a-t-elle déposé les verres sur la table qu’elle fait demi-tour et se rend rapidement près du four. Elle ouvre la porte de celui-ci, regardant bien tristement la fumée s’en échapper… La pizza est calcinée. « J’ai… essayé de préparer à manger? »

Elle panique, et je souris un peu plus. Oui, elle avait toujours eu un petit côté tête en l'air, et mon arrivée avait certainement du la faire penser à autre chose qu'à son repas. Les verres sont sur la table, mais je ne prend pas le miens, souhaitant attendre son retour avant. Mais je suis assez intrigué par cette histoire de brûlé, alors quand elle ouvre le four, je la rejoins dans la cuisine et ouvre la fenêtre pour retirer l'odeur. Une fois le cadavre sorti du four, je tourne la tête, et voit que c'est une pizza qu'elle a essayer de faire. ça me fait m'arrêter net, et me fait penser aux soirées que nous passions souvent ensemble, à la pizzeria du coin. Nous avions nos habitudes, et.. Je n'y suis retourné qu'une fois, avec Hygie. Et ça ne s'est pas très bien passé... Tu as voulu faire une pizza... ? C'était mon repas préféré, mais l'avait-elle fait exprès ? Un autre regard dans la cuisine me montre qu'elle l'a préparé elle même. J'en reviens pas. Et je n'ose poser aucune question, par peur de la réponse. à la place, je referme la fenêtre, une fois que la fumée s'est dissipée.

Elle se sent tellement idiote, devant ce repas gâté et l’air étonné de Dionysos. En tout cas, si elle voulait lui faire une surprise, c’est réussi! Normalement, elle est plutôt douée pour la cuisine, car elle est très gourmande et ne voulant pas dépenser toutes ses économies dans les restaurants elle a dû apprendre à se débrouiller aux fourneaux. Mais là, sans doute que la situation délicate avec Dionysos lui a trop occupé l’esprit pour qu’elle soit attentive, et voilà le résultat. « Oui..? Tu aimes toujours ça? » Manquerait plus qu’il en soit venu à détester ce repas. Après tout, s’il la déteste aujourd’hui alors qu’il l’a tellement aimée autrefois, il pourrait en faire de même avec d’autres éléments de sa vie.

Je ne peux pas m'empecher de la regarder lorsqu'elle me demande si c'est toujours le cas. Je souris encore un peu, passant ma main dans mes cheveux. Le jour où je n'aimerai plus les pizzas, tu auras le droit de me frapper la tête, pour que je revienne à moi ! Je ris franchement en regardant la pizza brûlée. Par contre, pas celle là, désolé... Je la prend, et la jette à la poubelle. Après tout, elle était immangeable ! Je nettoie un peu le plan de travail, avant de sortir de la cuisine. Mais c'est pas grave, de toute façon, c'est pas encore l'heure de manger, si ? Je prend mon verre, lui donne le sien, et m'assoit sur le canapé. Alors, du nouveau ? Après tout, si elle m'a appelé, c'est pas pour rien...

Elle hausse les épaules, détachant son regard de la poubelle. Pour elle, il est toujours l’heure de manger. Hors de question pour patienter trop longtemps entre les repas : elle est trop gourmande et toujours affamée. Une chance qu’elle aime le sport et qu’elle a un excellent métabolisme, sinon elle serait obèse. « Non. », répond-t-elle. C’est vrai, elle a fait des recherches, mais n’a aucune information concluante. « Ce ne sera pas facile, j’en ai bien peur. Ce qu’il nous faut, c’est un excellent avocat, du genre qui ne perd jamais ses procès. Et ça, ça va nous coûter cher. » Mais peu importe. « Je ne t’ai pas dit… mes parents m’ont complètement rejetée de la famille, lorsqu’ils ont su que j’étais enceinte. » Elle se sent mal de lui avouer cela, sachant que lui-même n’était pas au courant alors que ses parents, qu’elle déteste, le savaient. « Je les ai appelé hier. C’était la première fois que je leur parlais depuis trois ans… Je leur ai demandé de l’argent, pour nous aider. » Elle ne parle pas de l’immense courage que cela lui a pris pour signaler leur numéro de téléphone, ni des méchancetés qu’elle a dû endurer pendant une bonne demi-heure. Se faire traiter de trainée par ses parents n’a absolument rien d’heureux… « Malgré tout, ils ont accepté. Donc, financièrement parlant, ce ne sera pas trop difficile… » C’est mieux que rien.

Pas de nouvelles. Au moins, c'était clair. Je prend une première gorgée de soda, et garde le verre en main, l'écoutant. Et elle me certifia ce que je savais déjà, à savoir que j'allais avoir beaucoup de mal à avoir la garde de mon propre fils. J'avais du mal aussi à me rendre compte de la difficulté, alors que si tout s'était bien passé, j'aurai eu la garde en deux en trois mouvements. Mais je ne vais pas encore le lui reprocher, ça ne sert à rien. Par contre, mon cœur s'emplit de tristesse, ça je ne peux pas le cacher. Elle me parle alors de ses parents, et me dit qu'elle ne leur avait pas parlé depuis trois ans... Je grimace, imaginant bien la cause... Mais au moins, eux on été au courant, alors que moi... Mais du coup, leur réaction n'est pas tellement justifié. Mais je ne lui demanderai pas pourquoi tant de haine de leur part, et je l'écoute à la place. Ils ont accepté de donner de l'argent, mais je secoue la tête. Je ne veux pas de leur argent... Ils t'ont rejeté, pourquoi ils aideraient ? Je préfère qu'ils ne soient pas mêlé à ça, je veux pas qu'ils demandent quelque chose en retour ou autre. Je suis sérieux, extrêmement. J'ai trop peur d'un retournement de situation de leur part. J'ai de l'argent de coté, et j'ai eu une promotion au travail. Et je prendrais un crédit si besoin. ça ira. je finis mon verre, et le repose sur la table.

Leah hoche la tête, surprise. Elle-même ne voulait pas de l’argent de ses parents, elle préférait s’émanciper totalement d’eux afin qu’ils n’aient plus jamais de pouvoir sur elle. Mais, sachant qu’elle-même ne pourrait pas autant contribuer financièrement qu’elle l’aurait voulu, elle avait pilé sur son orgueil pour faire cette demande. Dionysos ne fait au fond qu’affirmer ce qu’elle pense sans oser l’assumer, et cela lui rappelle une fois de plus à quel point cet homme est formidable. « Brillant. Ce serait tout à fait leur genre d’exiger de pouvoir mettre leur nez dans l’éducation de Jack. Et on ne veut pas de ça… » Juste à imaginer que son fils pourrait éventuellement devenir comme sa famille l’horrifie. Ses parents froids et ennuyants à mourir, sa sœur brillante mais dont la vie est sans couleur, sans plaisir. Elle-même s’en est bien sortie : elle arrive à être heureuse malgré l’enfance grise qu’elle a eue. Mais ce manque d’amour et d’attachement envers à sa famille fait en sorte qu’elle est très indépendante, d’où les événements des dernières années… « Je suis prête à m’endetter autant qu’il le faudra. », marmonne-t-elle plus pour elle-même que pour Dionysos. « Supposons qu’on réussit à ce que tu récupères la garde de Jack. Tu… voudrais que je fasse partie de sa vie? Ou tu aurais une garde exclusive..? » La réponse de Dionysos ne changera rien à son envie de se battre, mais changera beaucoup de chose pour son moral.

Je suis ravi de voir qu'elle semble de mon avis, en ce qui concerne ses parents et le don d'argent qu'ils lui ont accordés. Effectivement, je ne veux pas de ça. Je ne veux même pas que Jack ait des grands parents en fait. Mis à part les miens, si jamais ils comprennent la situation. Mais le plus important en ce moment, c'était les parents, donc Leah et moi. Du coup, elle semble avoir réfléchit à une autre solution, ou elle pourrait payer elle même. Je ne sais même pas si elle a trouvé un job ici, je ne lui ai même pas demandé... Puis elle me pose la question que je redoutais beaucoup. En fait, je ne voulais pas avoir à y réfléchir, pas maintenant... alors je décide de justement, ne pas réfléchir. J'allais laisser mon cœur parler, en espérant qu'il ne me fasse pas dire n'importe quoi. Je n'y ai pas encore réflechit... Mais je me dit que si j'ai la garde exclusive, il finira par me demander qui est sa mère, et pourquoi elle n'est pas là... Je pourrais certainement l'élever seul, j'en suis capable.. Mais je veux qu'il sache qui est sa mère... Donc si tu es vraiment prête... tu pourras le voir, le connaitre, et tout le reste. Mais je veux être certain que plus jamais tu ne l'abandonneras, d'une quelconque façon.

Elle hoche la tête, satisfaite de cette réponse. S’il avait répondu d’un non catégorique, elle aurait eu très mal. S’il avait accepté avec bonheur qu’elle prenne ses responsabilités dans la vie de cet enfant, elle n’aurait pas compris. Après tout, il est normal qu’on la remette en question, vu son tempérament et ses agissements. Il ne s’agit au fond que de la meilleure réponse qu’elle pouvait espérer. « T’inquiète pas. J’ai déjà abandonné une fois les deux hommes les plus importants à mes yeux, je ne suis pas suffisamment idiote pour recommencer. » Elle sait qu’elle ne devrait pas faire ce genre d’allusion, qu’elle devrait laisser Dionysos se réhabituer à sa présence et de ne pas insister. D’une certaine manière, elle fait partie de sa vie à nouveau, et même si elle voudrait que tout redevienne comme avant, elle a bien peur que ce soit impossible dans l’immédiat. « Je suis certaine que tu seras un excellent papa. »

Leah me rassure en me disant qu'elle ne fera pas la même bêtise deux fois. La bêtise, c'est de m'avoir quitté, et d'avoir abandonné notre enfant. Je ne sais pas trop si je la crois, quand elle dit ne plus jamais le faire. Et s'il suffisait d'un autre obstacle dans notre vie pour qu'elle prenne la fuite ? Elle avait l'air honnête, mais on ne sait jamais. Je n'étais pas un homme optimiste, et encore moins depuis plusieurs années maintenant. En tout cas, ma réponse à l'air de l'avoir convaincu, et ne me pose pas plus de questions. Au contraire, elle me rassure quand à mes possibles talents de père. Je ne peux pas m’empêcher de lui sourire, m'imaginant un instant qu'elle ait raison. Mais pour cela, il faudrait que je récupère Jack, car c'est une chose impossible à vérifier sans lui. J'espère que ce sera le cas.. En tout cas, je ferai de mon mieux. Comme toujours ! Je souris, et regarde alors mon téléphone. ça y est, elle m'avait donné des nouvelles, celles que j'attendais tant. En tout cas, merci d'avoir appelé. J'avais besoin d'en savoir un peu sur l'affaire, et c'est chose faite ! Merci aussi pour le verre. Car j'étais pour ça qu'elle m'avait appelé, non ?

Ayant l’impression que Dionysos veut déjà partir, Leah est déçue. Tant qu’à être ici, ils pourraient passer un peu de temps ensemble… Quoique, ça, c’est ce qu’elle désire. Lui, sans doute qu’il a mieux à faire, tout plutôt que d’être près de la femme qui l’a tellement blessé. « Euh, ça me fait plaisir. », dit-elle en le dévisageant un peu. « Je comptais un peu sur la pizza pour te retenir plus longtemps, je l’avoue. », dit-elle un sourire aux lèvres, tout en se dirigeant vers le living room pour récupérer la bouteille de vin offerte par Dionysos. Elle revient aussitôt dans la cuisine, ouvrant un tiroir afin d’en extirper un ouvre-bouteille. « Tu es pressé? Tu veux un verre? » Sans attendre sa réponse, elle s’affaire à ouvrir la bouteille, puis ensuite sort deux coupes de vin. « Merci pour la bouteille, au fait. » Elle lève la tête et lui adresse un sourire, attendant tout de même sa réponse avant de verser le liquide dans les verres.

Je souris lorsqu'elle part de me retenir avec une pizza. Suis-je si faible que ça ? Certainement, une pizza était ce qu'il y avait de mieux au monde. Ainsi que la glace pistache chocolat. Je tuerai pour avoir les deux ! Non, quand même pas... mais vous m'avez compris ! Du coup, quand elle me propose un verre, je ne sais pas trop quoi dire; Est-ce une bonne idée d'accepter une telle proposition ? J'hésite un instant. Je n'ai rien d'autre à faire, mais après tant de temps, est-ce que je supporterai de passer plus de temps que nécessaire avec elle ? Non, je ne suis pas pressé. Va pour le verre. Et merde. Encore une fois, c'est pas vraiment ma raison qui parle, mais bon. ça ne pourrait pas me faire grand mal un verre de vin ! De rien, c'est normal. Du coup, elle verse le liquide dans les verres, et m'en donne un. On trinque rapidement, et je me met à boire le contenu. Mais bon, y'a plus de pizza, alors je ne sais pas si je vais rester... Je dis ça sur le ton de la plaisanterie, bien que je sois quand même déçu de ne pas en avoir eu une !

C’est le cœur plus léger qu’elle trinque avec Dionysos, avant de prendre une gorgée de vin. Elle n’a jamais pris la peine d’approfondir ses connaissances en matière de vin, mais peut affirmer que celui-ci est excellent. Elle prend un évident plaisir à y goûter. « Ce n’est pas une excuse! Même si mas talents culinaires ne sont pas à la hauteur des attentes de monsieur, je peux toujours commander quelque chose. », répond-t-elle du tac au tac, sur le même ton de plaisanterie. « Même si je suis partie longtemps, je me rappelle des meilleures pizzerias en ville! » Elle échappe un petit rire, tendant la main vers son portable afin de leur faire livrer un repas de rois. « Enfin, seulement si tu veux, hein! »

Commander quelques choses n'est pas une mauvaise idée, et puis si c'est une pizza, ça efface quelques doutes. Oui, j'allais rester. De toute façon, maintenant que j'avais un verre dans la main, il était trop tard pour faire croire que j'avais une chose à faire ou autre. Je souris en l'entendant dire qu'elle se rappelle de notre pizzéria, bien que ça me fasse autant de mal que de bien. J'avais peur qu'elle reparte, et peut-être que c'est pour cela que je voulais pas passer du temps avec elle, au cas où. Commande. Une hawaïenne ? C'était une de nos habitudes, alors bon... c'était venu comme un automatisme. Avoir parlé pizza m'a donné faim...

Elle hoche la tête, heureuse que leurs goûts n’aient pas changés. Elle salive déjà à l’idée de dévorer cette pizza sucrée et salée. Elle compose donc le numéro de mémoire (il faut dire qu’elle en a pas mal commandé dans le temps, et que sa mémoire a enregistré à long terme le numéro depuis longtemps) et passe sa commande. « Ça prendra une trentaine de minutes. », dit-elle à Dionysos alors qu’elle a terminé son appel. « J’aimerais que tu me parles de toi. L’autre jour, on n’a parlé que de moi, enfin, que de Jack. Mais j’aimerais savoir comment tu vas, ce que tu fais… » A-t-elle seulement le droit de le demander? En tout cas, elle prend ce droit. « Tu m’as mentionné que tu as eu une promotion au travail? Quelle est cette promotion? »

3O minutes, allais-je tenir ? Pas le choix de toute façon. Et alors que j'imagine notre attente silencieuse et pleine de moment gênant, elle se met à parler, et casse cela. Elle a toujours été comme ça, a trouver la moindre chose pour éviter l'ennui. ça nous avais évité de rentrer dans une trop grosse routine, alors que nous étions ensemble. Je n'ose pas dire comment je vais, et je ne sais pas trop si c'est une bonne idée de parler de moi. Je ne veux pas qu'elle sache à quel point j'étais mal parce que bon... Ce n'était vraiment pas beau à voir. Plus d'amis, plus de lien avec la famille. J'ai eu du mal à remonter la pente et là, j'y arrivais tout juste. Tout était encore si fragile... Heureusement, elle me pose une question sur mon travail et comme à chaque fois que je parle d'animaux, je m'anime. Mon patron m'a mis à la tête du bassin des dauphins ! J'ai des stagiaires, je coordonne les spectacles, et m'occupe de tout en fait. On est plusieurs, mais je suis le responsable. C'est pas encore les requins, mais bon, c'est cool quand même. Je me mord l'interieur de la joue avant de reprendre. Je répondrais à toutes tes questions si tu veux, mais je veux aussi savoir... Qu'as tu fais depuis la naissance de Jack jusqu'à aujourd'hui ? Après tout, ça faisait un gros trou, et j"ai toujours pas bien compris pourquoi elle n'a pas pu revenir avant...

Elle écoute Dionysos avec attention, heureuse qu’au moins sa vie professionnelle soit épanouie. Travailler avec les dauphins, le rêve… Bien qu’elle n’ait jamais cherché à travailler dans ce domaine, Leah adore les animaux. Enfant, elle rêvait de devenir vétérinaire, mais n’avait jamais eu l’ambition réelle d’entreprendre des études pour réaliser son souhait. Elle envie Dionysos de pouvoir créer ce lien si particulier avec ces animaux, bien que cette envie ne soit aucunement teintée de jalousie. « Je suis fière de toi! Ils n’auraient pas confié cette responsabilité à n’importe qui, c’est clair qu’ils te font confiance. » Lorsqu’il lui pose à son tour une question sur ces dernières années, elle pince les lèvres. Disons que ces deux dernières années n’ont rien eu de glorieux, et c’est bien parce qu’elle refuse de lui mentir qu’elle ne cherche pas à enjoliver la réalité. « Au départ je ne faisais pas grand-chose, parce que l’accouchement m’a vraiment troublée. C’est tellement étrange, ce sentiment de tellement aimer quelqu’un, mais de savoir qu’il ne sera jamais à toi… » Elle marque une pause, fronçant les sourcils. Sans doute que Dionysos connaît ce sentiment, sans doute qu’il l’a vécu quand elle est partie, tout comme elle l’a vécu envers Jack et comme elle le sent présentement envers Dionysos. « Honnêtement, je suis restée pour lui. Sa mère adoptive et moi sommes devenues amies, alors j’avais souvent l’occasion de le voir. Je suis sa marraine. » Un petit sourire vient illuminer son visage. « Je voulais revenir et t’expliquer plus tôt, mais en même temps je n’arrivais pas à le quitter, lui. C’est pour ça que je suis restée si longtemps. J’ai abandonné le journalisme, j’ai été serveuse dans un petit restaurant pendant ces deux années. » « Restaurant » est un mot bien fort : il s’agissait d’un petit dinner paumé, où les clients ne se gênaient absolument pas pour lui claquer une fesse de temps à autres ou de partir sans laisser de pourboire.

Je l'écoute, et je ne peux pas m’empêcher de souffrir au moindre de ses mots. Ok ils ne me sont pas adréssés directement, mais ça me rappelle à quel point j'ai été seul, ces dernières années. à un niveau différent, elle a été seule aussi, et certainement perdue. Sans le savoir, nous étions dans un état similaire à des centaines de kilomètres d'écarts. Et puis, je comprend qu'elle ait voulu rester pour lui, mais je ne peux pas m’empêcher d'être triste à l'idée qu'elle n'ait pas été avec moi. En fait, c'est plutôt égoïste... Mais ma vie tournait autour d'elle, avant. Je vois. Et c'était vrai. Par contre, je suis déjà jaloux de voir qu'elle a un lien avec lui, alors que moi, ils ne me connaissent même pas. Bon, de toute façon, je le récupérerai. J'en fais la promesse. Et tu as abandonné le journalisme... mais tu aimais ça, tu aurais pu continuer... Et tu as reprit son poste, maintenant que tu es revenu ? Je nous ressers un verre de vin, et je reprend. Bon, comme promis, je répondrais à tes questions. Après tout, elle avait joué le jeu !

« Une chance, dès que j’ai dit à mon ancien patron que je revenais en Australie, ils m’ont repris. À vrai dire, ils voulaient bien que je continue en Amérique, avec Internet on n’a pas vraiment besoin d’être sur place… Mais je n’étais pas tellement en état. Mentalement, je veux dire. » Elle prend une nouvelle gorgée de vin. « Il paraît que ma remplaçante était nulle, elle faisait plein de fautes et a réussi à effacer plusieurs banques de données : ne me demande pas comment! » Elle rit un peu, songeant à toutes les fautes que cette pauvre fille a commises. Disons que l’écriture n’était pas son talent principal. « Prochaine question… Tu as fréquenté quelqu’un, depuis mon départ? » Elle sait bien que c’est un sujet qui devrait être évité, mais elle est trop curieuse. Si elle veut se battre pour récupérer la confiance et l’amour de Dionysos, il faut qu’elle soit au courant de tout.

J'étais presque sûr qu'ils allaient lui rendre son boulot. Elle était excellente dans ce qu'elle  faisait, comme à chaque fois qu'elle désirait quelque chose. Et puis, ils auraient été bête de ne pas leur avoir reprit ! Oui donc en gros, tu leurs a bien rendu service en revenant aussi ! Surtout si la remplaçante était réellement si... pas douée ! Ce fut donc à elle de me poser une question, qui portait sur ma vie sentimentale. J'étais gêné, et je pense que ça se voyait. Je n'ai jamais rien réussi à cacher de toute façon, surtout pas à Leah. J'ai beau réflechir, je n'ai rien eu de tel depuis qu'elle m'a quitté. Non... J'avoue y avoir pensé, une fois. Un mec qui se rapprochait de moi juste pour faire chier ma soeur mais... ça a jamais dépassé le flirt, et à sens unique. Un homme, parce que oui, ma rupture forcée m'a fait hair les femmes, et je n'ai toujours pas confiance en elle. Je sais que les hommes peuvent être pareil, mais bon, c'est avec elle que j'ai vécu ça... Bref, elle savait que j'étais bisexuel, je lui avais déjà raconté mes anciennes conquêtes, qu'elles soient feminine ou masculine, avant. Je n'allais donc pas la surprendre plus que ça, on se disait tout. Avant. Je n'ai pas flirté, je n'ai pas dragué, je n'ai pas eu de rendez vous galant depuis toi. J'en avais pas envie, et... j'étais pas en état non plus.En fait, j'ai arrêté de vivre, à tous les points de vu possible. Et toi ? Même si je ne voulais pas le savoir.

Peut-être que c’est étrange, mais le fait que la seule éventualité ait été avec un homme la rassure. Elle est moins jalouse des hommes que des femmes, car elle a moins l’impression d’être en compétition envers eux. La bisexualité de Dionysos n’était pas un sujet inconnu pour elle, au contraire elle avait toujours apprécié cette ouverture d’esprit, trouvant bien dommage de me pas elle-même ressentir d’attirance pour les femmes. Elle avait donc souvent questionné son ex à ce propos, tentant de comprendre s’il percevait une différence dans ces deux genres d’attirance. Bref. Elle hoche la tête, pensive. « C’est idiot, mais je suis bien heureuse de l’apprendre. Ça me ferait étrange de t’imaginer avec quelqu’un, malgré tout. » Lorsqu’il lui renvoie la question, elle secoue la tête avec conviction, ses yeux s’agrandissant légèrement pour donner à son visage un air faussement offusqué. « Je n’avais pas la tête à ça! Je n’en avais aucune envie. Il y a bien une fois où, après la quatrième demande, j’ai accepté un rencart avec un client régulier du restaurant où je bossais. Je ne m’y suis jamais présentée, et il n’est jamais revenu au restaurant. » Elle pouffe d’un petit rire, imaginant ce garçon maladroit l’attendre pendant de trop longues minutes devant le cinéma où ils devaient aller. Ce n’est sans doute pas sympa de sa part, mais ça l’amuse réellement. « Voici le résumé de ma vie amoureuse depuis les trois dernières années. À ton tour, une autre question? »