Et dire qu’il y a quelques heures, j’étais vraiment impatiente de passer cette soirée. Je m’étais mise sur mon 31 ce soir-là. Courte robe noire mais élégante, talons de 11 centimètres à vous en détruire les pieds, et un maquillage parfait, j’avais vraiment mis mes atouts en avant pour ce rencart. Il fallait dire que ce mec était vraiment charmant, gentleman et élégant… Du moins, de que j’avais pu voir avant ce soir. Il m’avait donné rendez-vous à 21 heures devant le Madam Tojo, un bar de la ville, prétextant qu’il ne pouvait pas passer me chercher avant. J’avais du attendre un quart d’heure devant le bar avant qu’il se présente, en retard. Puis la soirée s’est passée, et plus elle avançait, moins il était intéressant, le trouvant grossier, trop plaintif, beau parleur…
C’est pour cela que j’en étais là, à l’extérieur du bar, profitant de l’air frais de la nuit. Je lui avais dit que je m’absentais quelques minutes pour fumer une cigarette, la vérité étant que je ne fume pas. Et bien, pour mon métier de professeur de sport, la cigarette n’est pas vraiment le mieux. Mais actuellement, j’étais vraiment tenté d’en demander une à un passant.
Cela faisait cinq minutes que j’étais devant, et malgré mon gilet sur les épaules, je commençais à ressentir le froid à rester immobile. Je jetais un regard à l’intérieur du bar pour voir mon rencart absorbé par son téléphone portable, avant de retourner mon regard vers le ciel noir. J’hésitais un instant à prendre mes jambes à mon cou, et ne jamais revoir cet homme. En fait, cette hésitation se transformait en certitude.

Ce soir, l'air était doux. Le soleil se couchait peu à peu, le paysage était d'une beauté à couper le souffle. J'étais en extase devant le panorama qui s'offrait à moi, immeubles immenses touchant le ciel, dense végétation, et, au loin, la plage, qui s'étirait à perte de vue. C'est pas forcément le type de scène que j'avais l'habitude de voir à New-York, et c'est ça qui me plaisait : pouvoir contempler d'autres horizons, découvrir chaque jour ce nouvel espace devant moi. Nous étions samedi soir, la nuit allait donc être assez agitée. Les bars semblaient tous bondés. Des jeunes buvaient en bande dans la rue, ça me rappelle mon adolescence. J'avais 16 ou 17 ans, avec ma bande, on avait pour habitude de se retrouver dans les quartiers new-yorkais quand la nuit tombait. Et de rue en rue, on courait, on dansait, grimpait sur les toits, on était libres. On nous appelait les vagabonds. C'était la belle époque, maintenant, chacun est parti de son côté, certains travaillent en Europe, d'autres ont déjà une famille. C'est comme ça que s'écrivent nos vies. On rencontre des gens, ils prennent une place importante, on ferait tout pour eux. Et du jour au lendemain, ou plutôt au fil du temps, c'est comme si l'on était de parfaits inconnus. On efface tout, et on recommence avec d'autres personnes. Un éternel recommencement.
Quoiqu'il en soit, ce soir, je n'avais pas de but particulier. Je traînais. Les quelques amis que je m'étais fait ici depuis quelques mois n'étaient pas disponibles ce soir, alors j'avais décidé de me retrouver un peu seul, histoire de voir ce qu'il se passe, tranquillement. De la bonne musique émanait d'un bar, le Madam Tojo, réputé pour ses bonnes soirées. Apparemment, un petit groupe de rock local s'y produisait, à en voir les affiches collées un peu partout. Je m'approchai, il y avait du monde à l'intérieur comme à l'extérieur. Mais une personne en particulier attira mon regard. Une jolie blonde, qui semblait perdue, et surtout, frigorifiée. Non pas que j'étais si gentleman que ça, je n'aimais pas voir une demoiselle dans cet état. J'allais donc vers elle, oubliant un peu ma fierté,

"Bonsoir. Tu sembles avoir froid, je te paye un verre?"

Prête à m’enfuir, je fus interrompu par une voix masculine inconnue. "Bonsoir. Tu sembles avoir froid, je te paye un verre?" J’étais prête à le recaler, je n’étais définitivement pas d’humeur. Je me retournai pour faire face à un homme, d’environ mon âge, j’imagine, et plutôt séduisant. Voir très séduisant. Je restai quelques secondes sans voix, la bouche légèrement entrouverte sans qu’aucun son n’en sorte, ne m’attendant pas à hésiter. Clignant deux fois, je repris mes esprits et finit par lui répondre, tout cela avec mon plus beau sourire. « J’en serais ravi. » C’était peut-être une mauvaise idée de retourner à l’intérieur avec lui, sachant qu’un autre homme attendait sûrement mon retour, mais après tout, je ne me sentais absolument pas coupable à la vue de cette soirée médiocre. Et puis, comment résister à de si beaux yeux bleus ? Au point où en était cette soirée, je n’avais rien à perdre à faire une rencontre qui serait peut-être plus intéressante. Autant me dire que je n’avais, après tout, pas perdu mon temps.
Audacieuse, je lui fis un sourire charmeur et lui pris délicatement la main pour l’emmener dans le bar. J’en profitais pour jeter un coup d’œil du côté de mon ex-rencart, à qui j’envoyais une moue désolé en réponse à son expression d’incompréhension. A vrai dire, je n’étais pas du tout désolé mais la politesse m’avait poussé à presque m’excuser. Je lâchai le jeune homme et retourna vers lui, admirant son visage un instant, puis lui présenta ma main pour serrer la sienne « Je m’appelle Lux ! »

La jeune femme leva les yeux et me sourit. Et quel sourire ! A faire tomber les anges. Comme si le fait de m'avoir vu avait illuminé sa soirée, alors que l'on ne se connait même pas. Moi qui n'était pas sûr de mon coup, pendant me prendre un vent, j'étais ravi. Elle accepta, me pris la main et m'emmena à l'intérieur du bar. Plutôt entreprenante, j'aime beaucoup ! Comme je l'avais prévu, le bar était bondé. Certains discutaient, adossés au comptoir, pendant que d'autres dansaient sur le rock'n'roll endiablé du petit groupe local. J'aime beaucoup ce genre de soirées. J'aimerais, moi aussi, jouer de la musique devant un public, mais je ne sais pas si j'oserais, surtout dans une ville que je ne connais pas. Il faut que je me prenne en mains, après tout, je ne vais pas devenir musicien professionnel en restant dans ma petite boutique...
La demoiselle me serra la main, elle s'appelle Lux. "Enchanté, je suis Noah."
Elle me relança un de ses sourires. Elle était vraiment jolie, très maquillée et pourtant très distinguée, en aucun cas vulgaire. Ses longs cheveux blonds tombaient sur sa robe noire très classe, on voyait qu'elle avait pris soin de se mettre en valeur, ce soir. Je nous commandais deux verres, elle me remercia. Aucun de nous deux ne semblait être gênés, malgré que nous soyons de parfaits inconnus. J'étais le plus naturel possible. Elle me demanda si j'étais d'ici, alors je lui racontais un peu ma vie, ou du moins les grandes lignes : je suis né, et j'ai habité à New-York, je suis arrivé ici sur un coup de tête, grand rêveur insouciant que je suis. Elle buvait mes paroles, me regardait de ses grands yeux bleus, elle semblait vraiment intéressée par ce que je disais.
"Assez parlé de ma vie, parle-moi de toi maintenant, qui es-tu?"

Il s'appelait Noah, et était incroyablement intéressant. Le remerciant pour la galanterie de m'offrir un verre, j'étais particulièrement attentive à ce qu'il disait, me contant sa vie. Il avait beaucoup de chose pour lui, il était bel homme et très intrigant. Il n'était pas d'Australie, amusante coïncidence. Malgré sa vie qui semblait assez remplie et son côté aventurier indépendant, il ne semblait pas arrogant pour le moins du monde. Je ne pouvais être qu'attiré par un homme pareil. Je passa ma main dans mes cheveux, me sentant d'humeur séductrice.
Il s'intéressa à ma personne à son tour, je lui fis part des quelques petits détails de ma vie. « Hé bien, je suis loin d'être aussi passionnante que toi. J'ai vécu mon enfance et mon adolescence au Royaume Uni, à Eastbourne. Ça fait quatre ans, à peu près, que je suis en Australie, et je suis professeur de yoga et coach sportive. » j'avala une gorgée de ma boisson, avant de terminer. «Et pour tout dire, je pense que c'est la meilleure décision que j'ai pu prendre dans ma vie. J'adore Gold Coast, et j'adore ses habitants. Ils sont très... accueillants! » Et tout cela était sincère.
Je me pencha légèrement vers lui, feignant de ne pas l'entendre à travers le bruit de la soirée, jouant avec une mèche de mes cheveux, essayant tout de même de ne pas paraitre grotesque dans mes tentatives de séduction. « Et toi? Ça ne fait pas longtemps que tu es là, mais que penses-tu de l'Australie? Content ou déçu? » lui demandais-je avec intérêt. J'avais croisé plusieurs étrangers d'Australie ici, aucun n'avait l'air contrarié de la ville.
Je jetais un coup d'œil dans la salle. La soirée était à son comble, et bien que très bruyante et dynamique, elle était surtout entraînante. Je reposa mon regard sur Noah, sachant que j'allais profiter de la soirée.