Enfin libre. Libre ! J’avais fini ma journée de boulot aujourd’hui et je pouvais dire que cela faisait un bien fou. Là, j’avais qu’une seule envie, me retrouver à l’appart’ – malgré la présence de mon coloc’ – et m’installer dans mon lit avec ma bouillotte à fleur. On se foutait souvent de moi lorsque je parlais d’elle, mais elle était la seule qui réchauffait agréablement mon lit avant que je m’y glisse. C’était une des meilleures inventions du monde – après la peinture et la cigarette bien sûr – et je vénérai monsieur Bouillotte à chaque fois que je me retrouvais avec elle dans mon lit. C’était bien la seule femme avec qui je dormais tout nu d’ailleurs, quel meilleur privilège pouvait-elle avoir ? Rêvant de mon lit, je marchai rapidement dans la rue lorsque je vis une personne qui m’était connue. Noah. C’était impossible, n’est-ce pas ? La dernière fois que je l’avais vu, nous étions tous deux à New York… Je décidai tout de même de m’approcher de l’homme, pour être sûr.

La journée était enfin terminée, le soleil commençait à se coucher à l'horizon. Cela faisait une heure que j'avais fini de travailler, et j'avais décidé d'aller faire un tour à Southport, petit quartier résidentiel tranquille que je n'avais pas encore trop pris le temps de visiter. Ma journée fut assez longue, et surtout fatigante. Une famille de riches Anglais, qui étaient ici en vacances, étaient venus à la boutique choisir une guitare à leur orgueilleux petit fiston, et n'étaient jamais d'accord avec ce que je leur proposait... Comme si je ne connaissais pas mon métier ! J'avais donc décidé de m'octroyer un petit moment à moi avant de rentrer à l'appartement. J'aimais bien marcher seul, à l'affût de tout ce qu'il se passe autour, émerveillé par les paysages. J'étais dans mes rêves, comme à ma grande habitude, quand je l'aperçut de loin. Adonis, le charme à la Française dans toute sa splendeur. Je n'avais même pas eu le temps de le prévenir de mon arrivée ici. Je le voyais s'approcher de moi, j'étais heureux de le voir: "Adonis, c'est moi ! Comment tu vas ?!" Je le pris dans mes bras : il semblait heureux, lui aussi.

Etonné, je l’étais bel et bien ! Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas vu Noah. Lui vivant à New York et moi à Gold Coast, il était difficile d’aller à la rencontre de l’autre. Déjà que je peinais pour aller en France quelques jours alors à New-York, c'était presque impossible… Tandis que je voyais le brun clairement de là où j’étais, je me mis à avancer plus vite pour ne pas le rater. Enfin arrivé devant lui, je ne savais plus réellement quoi dire tellement la surprise était grande, ce fut lui qui prit la parole en premier après quelques secondes de silence. Whou je… c’est bien toi Noah ? Lui demandai-je. Il n’avait pas trop changé depuis ces derniers mois, pourtant je voulais être sûr de son identité. Ne disait-on pas qu’on avait des sosies partout dans le monde ? J’espérai vraiment qu’il soit Noah, d'autant plus lorsqu'il me prit dans ses bras. Cela me ferait vraiment plaisir.

Il me regardait les yeux grands ouverts, avec un air de surprise : il n'y croyait pas, jusqu'à ce que je m'avance vers lui et le prenne dans mes bras. Sans attendre qu'il me le demande, je lui expliquai, en gros, la raison de ma venue ici. "Bah, tu vois, j'avais envie de changer de vie, m'évader un peu." Je lui proposai d'aller boire un verre quelque part, nous nous dirigions alors vers le bar le plus proche. Nous nous asseyions et nous fixions quelques secondes, nous ne nous étions pas vus depuis la fin de l'université, c'est-à-dire trois ans, et le retrouver me faisait plaisir, et en même temps c'était assez étrange. "J'avais prévu de te contacter pour que l'on se voit, mais tu sais, avec le déménagement, le boulot, j'ai pas eu beaucoup de temps pour moi...". Nous avions l'habitude de nous envoyer des mails ou de parler via des réseaux sociaux, de ce fait, nous connaissons presque tout l'un de l'autre. Mais il est vrai qu'avec tout ce changement, je n'avais pas eu de nouvelles pendant des mois. Je devais donc me tenir un peu au courant de ce qu'il se passait aujourd'hui dans sa vie. "Alors, dis-moi, qu'est-ce que tu fais en ce moment? Tu étudies toujours?"

Le léger soupir de soulagement s’échappa de ma gorge. C’était bien lui et pas un autre type qui m’aurait pris pour un de ses proches. Heureusement ! Cela aurait été l’embarra à coup sûr sinon et puis, au moins j’avais l’occasion de revoir un ami éloigné. Oh ! Ouais je peux comprendre… Il était vrai que quelquefois, j’éprouvai le désir de tout quitter, de rester définitivement en France jusqu’à ce que je me souvienne que cela ne servirait à rien. J’acceptai sa proposition avec joie avant de le suivre dans un bar quelconque. J’enlevai mon blouson en cuir et m’assis en l’écoutant attentivement. Hum hum… Et t’es bien installé à présent ? Parce qu’ici c’est pas vraiment comme New-York. Ai-je dit en souriant. Bah tu sais de mon côté, y’a pas beaucoup de changement ! Je suis toujours étudiant à l’université et employé à mi-temps en tant que serveur… Malheureusement, mon côté maladroit se remarque souvent ! Après je vis toujours en coloc’ avec ma meilleure amie et un gars de mon âge. Lui expliquai-je rapidement, sans trop m’étaler sur ce sujet. Mais sinon toi, tu fais quoi du coup comme boulot ?

apparemment, du côté d'Adonis, rien n'avait vraiment changé. il était toujours étudiant en art à l'université, d'ailleurs je me rappelle qu'il était plutôt doué. il a également un petit boulot à mi-temps en tant que serveur. "En effet, ton côté maladroit doit te jouer des tours!" tout en étant attentif à ce que je racontais, il me posa à son tour des questions, et me demanda si j'étais bien installé, et ce que je faisais comme boulot. "Oui, mon appartement est très bien, et puis le quartier où j'habite est vraiment agréable, je me suis habitué à la vie ici. Sinon, je travaille dans le magasin de musique, au grand centre commercial. C'est plutôt pas mal, même si les clients sont pas faciles tous les jours!" Il vivait en colocation avec sa meilleure amie et un homme, qui, vu la façon dont il l'a dit, semblait ne pas lui être indifférent. pour rigoler, j'attaquais un sujet un peu plus délicat, puisqu'il n'est pas toujours facile d'en parler. "et alors, côté coeur?"

Plus d’un tour ! La dernière fois, j’ai renversé un cocktail sur une des clientes… Bon ça va le patron n’était pas là et puis c’était qu’une mégère mais bon, le résultat est le même. Lui dis-je assez piteusement. Je ne comprenais toujours pas comment je pouvais être aussi maladroit dans la vie de tous les jours sans pour autant faire de gaffes lorsque je bossais sur une de mes toiles. Oh tu habites dans quel quartier ? Mon appart se trouve pas très loin, à Southport justement. T’sais les étudiants, ça roule pas sur l’or généralement ! Dis-je en plaisantant. Dans la musique, hum ? C’est cool ça ! J’ai un pote qui travaille dans un disquaire et j’pense qu’il aime bien ça aussi. Après pour les clients, c’est partout pareil je pense. Je ne comptais même plus le nombre de cas qui défilaient au boulot, j’avais arrêté au bout d’une semaine à vrai dire… J’eu un rire jeune. Cœur ? Tu veux parler de cet organe vital présent par ici ? Lui demandai-je en lui désignant mon thorax. Bah j’le fais fonctionner à l’aide de petits bouts de scotch, par-ci, par-là… J’appelai ensuite l’un des serveurs pour prendre commande.

Je rigolais en écoutant les petits malheurs d'Adonis concernant son boulot. personnellement, je ne pourrais pas faire mieux, je ne sais pas s'il existe plus maladroit que moi... serveur, ce n'est pas un job qui me conviendrait, sauf s'il fallait que ce soit le concours de celui qui renverse le plus de verres possible sur les clients. "J'habite à Surfers Paradise, j'ai réussi à trouver un petit appartement dans mes moyens. J'aime beaucoup me poser sur la plage le soir, et regarder les surfeurs, mais je m'aventure un peu dans tous les quartiers."
Il ne voulut pas répondre à ma question sur ses états d'âme, du moins, il détourna ironiquement la réponse. Je savais que c'était un sujet sensible, moi-même je n'aimais pas tellement parler de ces choses-là. Non pas que ça soit un sujet tabou, mais je n'ai pas toujours été à l'aise avec les problèmes de cœur. J'essayais donc, avec légèreté, de changer de sujet. "Sinon, tu comptes retourner en France pour quelques jours?"

Ouais, j’avoue que certains surfeurs sont pas mal mais bon, le problème c’est qu’ils surfent. Ai-je dit en riant. Je n’avais jamais réellement aimé ce sport, peut-être était-ce parce que je n’avais jamais réussi à tenir debout sur ces foutues planches ? Très certainement. Moi ma vie se cantonne seulement à Hollywell et Southport, mais c’est déjà pas mal quand tu dois perdre les transports en commun. J’avoue aussi que j’évitais le plus souvent possible la mer d’ici bien trop paradisiaque à mon goût. Je préférai de loin l’eau glacée de la mer du Nord. Je remarquai qu’il laissa tombé rapidement le sujet de l’amour, ce me fit me détendre. Je n’aimais pas parler de lui et encore moins me plaindre de lui à quelqu’un autre. C’est bien dans mes projets, quand j’aurai le temps et l’argent pour le faire bien sûr ! En attendant j’appelle ma sœur – tu sais celle qui fait ses études de mode à Paris ? – pour lui demander des nouvelles de ce beau pays… Je pense que le nougat de Montélimar me manque… Sur ces paroles, le serveur arriva pour prendre notre commande. Une bière s’il vous plait. Je regardai ensuite Noah, tu prends quoi ?

"Moi, au contraire, c'est l'un des seuls sports qui m'attire! Je pense que je vais bientôt m'y mettre, d'ailleurs." Je rigolais en disant cela, car j'ai déjà en tête les nombreuses chutes que je devrais subir en essayant de surfer une vague de 2 centimètres. Adonis me raconta qu'il ne bougeait pas tellement, à part pour aller travailler, je lui promis alors qu'il pouvait passer à l'appart quand il voulait. "On pourrait se faire une petite soirée session artistique : tu dessines, moi je joue de la guitare!" Il m'avoua aussi qu'il avait bien en tête d'aller faire un séjour en France quand il aura le temps, et surtout, les moyens. La ville de Paris me manque, et il est aussi dans mes projets d'y retourner sous peu. Le serveur arriva à notre table, mon ami me demanda ce que je souhaitais prendre. "Une bière également pour moi !". Le serveur revint quelques minutes plus tard avec nos boissons. Je regardais Adonis, sourire aux lèvres. "Hé, fais moi signe quand tu retournes en France, il y a quelques endroits que j'aimerais voir, et en compagnie d'un vrai Français, c'est encore mieux!" Puis nous trinquions à notre santé, et à nos retrouvailles.

Bonne chance alors ! J’espère que tu n’as pas peur de boire la tasse. Personnellement, j’ai renoncé après une dizaine de fois… Ai-je dit tout en me rappelant les gadins que je m’étais pris quelques années auparavant. Il me parla alors d’une soirée avec lui, chose que j’étais toujours prêt à faire lorsqu’il y avait des potes dans l’histoire. Avec plaisir, je pourrai te peindre aussi ! Comme ça lorsque je serai célèbre, ton portrait deviendra connu dans le monde entier, qu’est-ce que t’en dis ? Dis-je en riant allégrement. Lorsque le serveur revint avec la bière que j’avais commandée et celle de Noah, je ne l’entamai pas de suite. T’inquiète pas mon chou ! T’auras la chance de voir la mer. Mais je ne te parle pas de la mer méditerranée où t’as l’impression qu’elle est polluée au canard wc, non ! Je te parle de la vraie mer. La mer du Nord… C’est peut-être pas ce que t’avais en tête, mais il faut que j’y aille parce que ça me manque vraiment ! Me suis-je exclamé avant de trinquer avec lui. Tu fais quoi de beau sinon ce soir ?

"Oh non, j'suis un warrior moi, peur de rien!", ce qui était faux, bien sûr, mais j'essayais de me rassurer un peu. Il accepta ma proposition de petite session artistique, ce qui me fit plaisir. Il plaisanta en me proposant de me peindre, je trouvais l'idée plutôt drôle, et j'ai même failli dire oui, après tout, un peu de folie, ça ne fait de mal à personne ! Aussi, il accepta d'être mon accompagnateur touristique, et donc, de partir un de ces quatre en France, avec moi. "La mer du Nord? Pourquoi pas, j'ai tant de choses à découvrir!" C'est vrai que c'était une région que je n'avais pas visité. A part la capitale, je m'étais surtout aventuré dans les petits villages du sud, à la rencontre du soleil et de cette eau si bleue. Ces petits villages avaient eu des vertus reposantes sur moi, c'était si agréable, se poser à l'ombre d'un arbre, écouter le chant des cigales. J'étais totalement dépaysé, très loin du vacarme de New-York. Il me demanda ce que j'avais prévu de faire ce soir. "Ce soir? Je ne sais pas encore, je prévois toujours tout à la dernière minute. Tu veux faire quelque chose? Sortir?"

Oh la France et ses paysages exotiques ! Ai-je blagué. Cette mer là je la connais bien, je suis né dans le Nord, c’est p’t-être pour ça que j’aime tant que cette mer que tout le monde dis horriblement froide. Je haussai les épaules, moi je l’aimais bien, c’était le principal, même si quand on en sortait, la plupart du temps on avait les lèvres bleuies. Je pris une gorgée de bière tout en faisant attention à ne pas laisser de la mousse sur ma lèvre supérieure. Ah ! Personnellement, je pense que je vais devoir rester à l’appart, tu comprends j’ai un projet à finir pour après-d’main. Là j’en suis qu’à la moitié. Du coup, je vais devoir veiller tard pour avoir une chance de le finir à temps… Je soupirai. Foutues étudues ! Vivement que j’ai mon diplôme tiens, comme ça je pourrai enfin être libre les soirées de semaine… Je prévoyais déjà de m’enfermer dans ma chambre pendant des heures devant ma toile et mes pinceaux avec la musique à fond, qui ferrait encore une fois enrager Yaxley…

Adonis me parlait de sa région, et, cela peut paraître étrange, mais malgré ce qu'il en disait, la visiter m'attirait plutôt beaucoup. "Oh tu sais, j'ai visité bien des endroits pires ! Vraiment, je ne dis pas non à ce que tu me fasses goûter cette fameuse eau si glaciale !" en ce qui concernait le fait de voyager et découvrir d'autres horizons, j'étais ouvert à tout. j'étais prêt à aller partout, du moment que je puisse être dépaysé. jusqu'ici, je m'étais toujours débrouiller pour trouver de l'argent, et partir, prendre un avion, m'évader. je travaillais dur pendant un mois pour récolter tout ce qu'il me fallait, et hop! j'étais parti. bien sûr, je n'avais pas encore fait le tour du monde, mais c'est dans mes projets.
Mon ami ne pouvait malheureusement pas sortir ce soir, trop occupé par ses devoirs à rendre. "Je comprends, c'est normal. De toute façon, c'est ta dernière année là, non? Tu comptes faire quoi après ton diplôme?"

Après ça dépend vraiment de l’époque à laquelle tu y vas, parce qu’évidemment, si tu vas te baigner à plein mois de janvier, t’es pas sûr d’en ressortir vivant, mais en été je la trouve plutôt bonne… J’ai quelques photos de cette région, un jour je te les montrerai pour que tu voies un peu le pays. J’essayais de me modérer dans mes propos, pour ne pas trop m’enflammer et ne parler que de ça durant les dix prochaines minutes. Autour de nous, quelques personnes discutaient joyeusement. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais assez pour que l’ambiance soit chaleureuse, ou alors avais-je cette impression parce que je parlais à un ami ? Je me mis à sourire. Oui, c’est ma dernière année ! Depuis l’temps que je l’attends celle-là, bon après je vais pas me plaindre parce que je fais ce que j’aime donc c’est pas trop pénible. Dis-je en souriant. J’aimerai être artiste-peintre, t’sais un mec qui serait exposé un galerie et qui pourrait vendre ses toiles. Bon bien sûr j’en suis loin mais avec des rêves et beaucoup de chance, ça pourrait se faire ! Et toi, t’as prévu quoi ces prochaines années ?

j'aimais bien quand il me parlait de sa ville d'origine, de ses racines. je sentais qu'il y était attaché, cela se voyait à la façon dont il en parlait. il me promit d'emmener quelques photos, histoire de me faire patienter avant notre petit voyage. autour de nous, l'ambiance était bonne, les clients du bar étaient souriant, respiraient le bonheur. il me confirma que cette année était sa dernière année d'études, et il en était enchanté, ce que je comprenais. je suis bien sûr content d'avoir pu obtenir mon diplôme, mais je ne sais pas si j'aurais pu continuer des études supérieures. je crois que tout ça, c'est pas fait pour moi. "Moi? Oh, j'sais pas vraiment. Je vis au jour le jour, pour l'instant, j'ai mon boulot, je voyage, je découvre. J'ai encore du temps." je prônais cet idéal de vie depuis un certain temps, je ne m'occupe pas du futur, je profite, tout simplement, sans me poser de questions. "tu n'as jamais eu, toi, cette envie de tout claquer, et de partir faire quelque chose de complètement différent?"