Il était midi, le soleil cognait fort sur la place. Je me frayai un chemin entre les passants. J'avais vraiment l'impression d'étouffer, trop de monde, bien trop de monde. Je plissai les yeux, cherchant un coin à l'ombre. Au fond, je crus apercevoir un petit bar, avec des parasols sur la terrasse. Je décidai de m'y rendre. J'accélérai donc, m'excusant en bafouillant lorsque je bousculais des personnes. Le petit bar me semblait à des kilomètres d'ici. J'avais l'impression d'être dans un rêve -ou plutôt un cauchemar- embrumé. Je ne supportais décidément pas les grosses chaleurs d'été. Quelle idée d'être sortie à cette heure aussi...
Enfin ! Je n'étais plus qu'à quelques pas de la terrasse. J'avançais, un petit pas, mais je ne sais pas comment, je trébuchais sur quelque chose au sol et perdis l'équilibre. Je tanguais, faisais des moulinets avec mes bras, comme un bateau à la dérive, cherchant un point d'appui. Mais je n'en trouvais pas et m'effondrai contre le sol, le front dans la bordure du trottoir. Et à partir d'ici, je n'étais plus capable de penser à quoi que ce soit. Juste : BORDEL CA FAIT MAAAAAL ! Après un certain temps, je rouvris les yeux. Je voyais un paysage où plein de petits points noirs se baladaient, tout bougeait trop vite, ou trop lentement. J'étais vraiment mal. J'essayais de respirer calmement en m'asseyant par terre, mais même rester assis me demandais un effort surhumain. Les probabilités que je m'effondre par terre d'une seconde à l'autre étaient très élevées, pourtant fallait que je tienne jusqu'à chez moi pour me soigner.

Je ferme les yeux, justes quelques secondes, le temps de remettre tout en ordre, mais lorsque je les rouvres, je ne suis plus au même endroit. Je suis de dos, et ça bouge. Le plafond blanc avec les lumières aveuglantes, les pleurs d'enfants et le bruit des machines à café me confirment l'endroit où je pense être : Un hôpital. Mais... Et je sombre à nouveau, incapable de tenir plus longtemps. Je me réveille une nouvelle fois, dans un lit ce coup-ci. Je garde les yeux fermés, pour faire le point. Un : Je me suis cogné par terre. Deux : Je suis dans un lit d'hôpital. Il me manque quelque chose non ? Je croyais que ce n'était pas grave ce que je m'étais fait. J'espère que je ne suis pas blessé. Blessure. Aie. Ma tête me lance. Je n'aurais pas dû penser à blessure, car maintenant que j'y pense, ça décuple le mal. Une voix, de femme, me tire de mes pensées, mais je garde les yeux fermés, parce que j'ai peur que ça tangue et de reperde connaissance. Je n'entends que "T'aurais pas du feu ?". Du feu ? Cette dame veut fumer dans un hôpital ? Mais c'est qui ? Une infirmière ? Alors j'ouvre lentement les yeux, et les plisse pour ne pas être ébloui par le soleil qui filtre à travers la fenêtre. Du feu ? J'ai du mal comprendre, il vaut mieux que je lui redemande.

Ja la distingue de mieux en mieux. Elle est blonde et semble avoir le même âge que moi, ou du moins elle est jeune. Elle me répète le mot trois fois, en anglais et en français. Non, je fume pas. Je marque un temps d'arrêt avant de froncer les sourcils et de dire tout haut ce que je pense tout bas, interloqué Y'a le droit de fumer dans un hôpital ?. Il était vrai que je n'avais jamais mis les pieds dans un hôpital, mais cela me semblait tout à fait rocambolesque qu'on ai le droit ! Ensuite, elle m'annonça que j'allais avoir le droit à des points de souture... Je déglutis. Certes, je me faisais souvent mal, mais je m'en sortais avec de simples hématomes ou de petites coupures que je pouvais soigner moi-même. Je dois vraiment pâlir en lui demandant : C'est... obligatoire les points de souture ?

Ca alors, je ne croyais pas qu'une infirmière comme elle pouvait exister ! Un, elle déteste les règlements et deux, elle me demande si j'ai déjà fumé. Non, jamais. Ensuite, elle m'explique que les points de souture, c'est incontournable. Génial... Quant au fait que ça ne fait pas mal, j'ai du mal à la croire. Franchement, je le sens pas vraiment de me faire recoudre ! Comme un vêtement quoi. Je déglutis et répète trois fois, d'un air faussement déterminé : Ok, ok, ok.

Lorsqu'elle me dit qu'il ne faut pas penser qu'on aura mal sinon on aura vraiment mal, je ne peux m'empêcher de songer que je suis littéralement foutu. Je me mets à chercher les imperfections du plafond, pour essayer de ne pas penser à ce qui va m'arriver d'ici quelques secondes, mais mes efforts sont inutiles. Et lorsqu'elle me dit qu'elle peut me tenir la main, je n'arrive pas à réprimer mon rire. Comme si j'étais un enfant de quatre ans ! Bon, d'un côté je ne dois pas être plus courageux qu'un bambin en ce moment même. Non merci ça va aller. Lui dis-je avec un sourire faussement courageux. Mais merci tout de même de proposer. Puis une question d'une haute importance me vient à l'esprit : C'est du fil qui se résorbe tout seul ou il faut l'enlever après ? Pitié que ça soit la première réponse.

Oui, sûr. mensonge, mensonge, mais je n'allais tout de même pas accepter qu'elle me tienne la main comme un enfant ! Je me demandais alors quelle tête je devais avoir maintenant, si la blessure était grande ou non. Là, elle sortit du fil. J'ouvris grand les yeux, je prenais subitement conscience que j'allais me faire recoudre d'ici quelques secondes. Vivement que ça soit fini tout ça ! Heureusement, elle m'annonça que le fil se résorbait. Enfin, je voulais vérifier quelque chose : Vous êtes certaine que ce sont des fils 100% résorbables, et qu'il n'y a pas un pourcentage pour que certains ne se résorbent pas, ou mal ?

Je la vis s'approcher avec le fil dans l'aiguille. Avec la chance que j'avais, j'allais finir dans les 0,01%, je serais obligé de revenir, et ça s'infecterai, et j'aurai mal. Bref. J'ochai la tête, pour lui dire que j'avais pigé. Il fallait que je trouve quelque chose à faire, il fallait que je réfléchisse à autre chose que ma poisse monumentale qui m'avait conduit ici. Ca fait longtemps que tu travailles ici ? A vrai dire, c'était surtout pour me rassurer et savoir si elle avait déjà recousu des personnes avant moi. Histoire de voir si j'étais son cobaye ou pas.