« Nickorigolo haha, Nickorigolo ! Moi j’cours plus vite que toi de toute façon ! Tu m’attraperas paaaaaaeeuh ! » Norah, ma petite sœur, la petite princesse, MA petite princesse – et celle de nos parents aussi. Mais je me fichais complètement, je n’étais pas du genre à réclamer l’attention, à vouloir être au centre de l’univers de tout le monde. Norah avait le don de me prendre la tête, mais elle me faisait toujours autant rire, et au fond, si elle m’embêtait ce n’était absolument pas méchant, elle avait simplement besoin de quelqu’un pour rire avec elle et j’étais là. « Norah allez, rend moi ça !! Allez…  Sinon … » Lui lançais-je entre deux rires, tout en faisant un petit sprint afin de l’attraper et de la plaquer sur mon lit, l’écrasant sous mon poids : « Nickooooo, allez, pousse toi tu m’écrases. Allez balourd ! J’vais te vomir dessus en plus, et ça sera bien fait pour ta poire. » Je ris de plus belle en me faisant encore plus lourd. J’étais heureux d’avoir une petite sœur aussi joueuse et aimante qu’elle, car on ne pouvait pas en dire autant de notre petit frère, jaloux et inintéressant au final. « Je me pousse que si t’arrêtes de m’appeler comme ça et surtout, que si tu me rends mon téléphone, tu sais que j’attends son appel merde, Norah allez, fais pas ta chieuse ! » Je savais pertinemment qu’en utilisant ce mot, ma petite sœur aller râler, bouder, et m’en vouloir quelques secondes, juste le temps pour moi de récupérer mon bien. Nous étions comme ça, Norah et moi, des enfants, des frères sœurs, des meilleurs amis, nous avions pourtant quatre ans de différence. Mais pour moi ce n’était pas un problème. La famille avant tout. Et c’était quelque chose encré en moi, si un jour on me demandait de choisir entre ma famille et des potes, ah la question n’aurait même pas le temps d’être posée en fait, la personne à l’origine de ce choix aurait déjà la tête au carré.

« L’année prochaine Nick tu intégreras la Fac de médecine, tout comme je l’ai fait avant toi. Ton dossier est déjà prêt, ta mère et moi avons déjà contacté nos amis, tu as ta place de gardée haha » Mon père rit après cela. Je n’avais pas le choix. C’était une obligation pour moi, j’étais l’ainé, j’avais donc le devoir de faire ce que me dictait mon père – du moins, dans mon esprit, ça ne pouvait en être autrement. Alors j’allais obéir à mon père, à ma mère, donner l’exemple à mon frère et ma sœur. Un sourire presque inexistant, un hochement de tête et mon père sut tout de suite que j’acceptais de suivre ce chemin, son chemin. Pourquoi faut-il toujours que les parents veuillent que leurs enfants suivent leur chemin, qu’ils fassent la même chose qu’eux ? Pourquoi ne pas offrir à son enfant la possibilité de faire ce dont il rêve ? Pour ma part c’était compliqué, je n’avais jamais voulu faire quelque chose de particulier, je n’étais pas un grand rêveur – pas comme ma petite sœur, elle n’allait pas obéir sagement, opiner du chef bien sagement, dire « Oui papa, j’oublierai tous mes rêves pour faire ce que tu me dis ! » Non, certainement pas, ce n’étais absolument pas le genre de ma sœur. D’ailleurs … « Bon, et toi Norah … Ca approche mais tes notes en maths et physique ne sont pas bonnes, qu’est-ce-que tu fais là Norah ?! On peut savoir ? Si tu comptes faire ta petite rébellion, tu n’es pas sous le bon toit ma petite … » Notre père s’était énervé sur la fin. Norah l’agacé. Elle l’agaçait car c’était la seule à dire qu’elle ne ferait jamais médecine parce que ses parents le voulaient. « J’m’en fous, de toute façon je ferais pas ce que tu veux ! J’suis pas un petit touto… » Elle s’arrêta net, baissa la tête et tourna cette dernière vers moi. Elle n’avait pas voulu me blesser, je le savais, tout ce qu’elle voulait c’était faire comprendre à nos parents qu’elle voulait choisir sa vie, faire ce qui lui plairait.  Doucement je posais ma main sur sa cuisse pour lui faire comprendre que ce n’était pas grave, je ne l’avais pas mal prit. « Ecoute, peut-être que mes frères n’ont pas de rêves, mais moi j’en ai Ok ?! Donc je ne deviendrai pas médecin, chirurgien ou je ne sais quoi d’autre. C’est tout papa. Et si tu ne veux pas payer mon école, tout ça, si tu veux me mettre des bâtons dans les roues, à ta guise. Je me débrouillerais par moi-même… » Mon père resta coite, mais nous pouvions tous sentir la colère qui montait lentement en lui, il allait exploser sous peu, je me devais donc de faire quelque chose : « Papa… Tu connais Norah, c’est une vraie tête de mule, mais surtout une artiste. Si tu as déjà deux autres fils qui font médecine, ça ne te suffit pas ? Maman, je sais que tu es du côté de Norah sur ce coup, convainc papa. Il faut que nous ayons notre artiste ! » Je pinçais doucement la cuisse de ma sœur.

« Hééé chaaaton, y’a ta copine au bout du fil haha » Ma sœur, comme à son habitude adorait m’embêter, jouer avec moi, et au final j’appréciais vraiment : « Allez Norah, file moi ce téléphone avant que je te morde ! » Ma sœur me tira la langue avant de me lancer le téléphone en plein dans la tête : « Allo Mina ? Ah, désolé pour Norah, elle veut toujours te parler avant. J’sais pas ce que vous vous dites mais en tout cas je ne veux rien savoir. Ouaip, j’arrive, j’passe j’vous prendre. A tout de suite bébé, je t’aime. » Ce fut la dernière fois que je parlais au téléphone avec ma copine. Mina et moi, ça faisait au moins un an et demi que nous étions ensembles, pour de vrai. Car pour tout dire, nous avions grandis ensembles, et les sentiments avaient augmentés en même temps que nous prenions des années. Puis nous étions sortis ensembles. J’étais vraiment amoureux d’elle, et cet amour était réciproque. Alors ce soir-là, je passais la chercher avant d’aller à une soirée où nous avons bu, du moins, où mes amis se sont bien alcoolisés, mais pas moi, j’étais le sam, j’étais celui qui avait la voiture. Puis ce fut le moment de rentrer. Six heures du matin, mes yeux commençaient à se fermer tous seuls, il fallait que nous rentrions. Nous étions à présent cinq dans la voiture, donc quatre biens éméchés. Il fallait que je fasse un détour pour déposer tout le monde ce qui signifiait que j’avais bien une bonne heure de route avant de pouvoir m’effondrer dans mon lit. « Haha haha haha, j’arrive pas à attacher ceinture là… » Ca faisait déjà une bonne vingtaine de minutes que nous étions en voiture, je roulais à cent-dix et c’était maintenant que l’autre s’inquiétait de ne pas être attaché ?! « Fais voir, j’vais t’aider !! » Lui dit un autre : « Nan c’bon putain, fais pas chier, j’suis pas un con, j’sais m’attacher, barre toi d’là. » Les trois mecs complétements bourrés à l’arrière de la voiture se mirent alors à se foutre sur la gueule. Je me retournais quelques secondes : « Putain les mecs faites pas les cons, on est en voitu… » Mina se mit à hurler des choses incompréhensibles et la seule partie que je compris fut : « Nick … CAMION ! ». Puis une explosion, des hurlements, un choc si brutal que je perdis connaissance sur le coup, la douleur envahissant mon corps, la main de Mina enserrant la mienne, ses ongles lacérant ma peau, puis le noir, le noir et le noir. Ce fut long. Très long. Je crus d’abord que j’étais mort, que jamais je ne me réveillerai, que jamais je ne rouvrirais les yeux, que jamais je ne revèrais ma famille, ma sœur, mon frère, mes parents, Mina …

Le réveil fut dur, compliqué, douloureux, déchirant. J’avais mal, de partout, mon corps, mon cœur, mon âme. J’avais tout foutu en l’air. J’avais perdu cette fille qui comptait tant pour moi. Non ! Je l’avais tué. J’avais réduit sa vie à néant. Elle était la seule à être décédée dans cet accident. Les trois du fond n’avait eu que des blessures, une jambe cassée, un traumatisme crânien, diverses coupures, brulures, et moi j’étais resté deux mois dans le coma, une jambe réduit en miette, un poignet cassé, des brulures au troisième degré, des côtes cassées … Mais j’étais vivant. On m’avait laissé en vie. Ce fut le déclenchement pour moi, l’électrochoc. Cet épisode me décida à poursuivre mes études à fond, à devenir quelqu’un de bien, quelqu’un qui sauverait des vies, un urgentiste.

« Putain Naël le papier cul ! LE PAPIER CUL ! Combien de fois va falloir que je te dise que quand tu finis un rouleau TU LE REMPLACES ! Maintenant apporte m’en un ! ET VITE ! » J’entendis mon colocataire et ami rire de l’autre côté de la porte. J’avais l’impression d’être la maman, la femme de ménage, le manager bref ce que vous voulez, de ce garçon. « Oh ça va papi, fait pas chier. T’sais bien que j’oublie tout le temps. T’as jamais vécu à la dure toi. » Je fulminais. Naël était comme ça, j’menfoutiste, tête en l’air, et surtout complétement frappé. « Naël … » c’était un avertissement, il savait très bien de quoi j’étais capable. « Bon ok ok, détends toi. Tiens… » Enfin, j’avais mon papier toilette. Il fallait toujours que je passe derrière lui. Un enfant vous dis-je. « On fait quoi ce soir ? On sort ? Ou soirée ciné-bière-popcorn-filmsdecul ? » Je ris doucement au dernier mot. Nous étions comme ça, lui et moi, des frères. J’étais d’ailleurs plus proche de ce garçon que de mon propre frère. J’avais trouvé en Naël la personne qui me correspondait, une version masculine de Norah peut-être ?! Et il était pour moi un véritable ami, un meilleur ami même. Parfois nous agissions même en véritable petit couple. Naël s’amusait à faire fuir mes « conquêtes » en leur assurant que je préférais les attributs masculins, emmancher, que j’étais gay, que je préférais les zizis … bref, pire que ma propre sœur, pire qu’une femme mariée. Mais ça me détendait, ça m’amusait et c’était bien. Jusqu’à ce qu’on décide de vivre de notre côté, chacun dans notre appart’, mais par chance nous n’étions pas très loin, et nous nous voyons encore très souvent…