Can you please shut the fuck up ?

Tu as toujours été casse-cou mais tu ne te plains jamais. Avec ton passé en même temps, tu as vite appris à ne rien dire lorsque tu as une petite entorse ou bien une petite coupure. C’est ridicule et ça le serait encore plus si tu n’étais pas capable de supporter cette douleur alors que tu as pu supporter tes traitements contre ta leucémie. Seulement tu as tellement peur que ta maladie refasse surface que, dès qu’un symptôme quelconque survient, tu cours aussi vite que possible chez le médecin histoire d’être certaine que ce n’est pas ce à quoi tu penses. Oui c’est ça, tu vis dans la peur mais ça ne te dérange pas plus que ça. En agissant comme ça, tu sais que tu n’as aucune chance de laisser les choses trainer si jamais ce que tu redoutes arrivait. Aujourd’hui, ce n’est pas chez ton généraliste que tu te rends mais chez un nouveau médecin : un kinésithérapeute. Tu en as déjà fréquenté à l’hôpital, quand tu étais allongée sur ton petit lit comme un légume, les ostéopathes et les kinés s’agglutinaient autour de toi comme si tu étais un morceau de viande. Cette fois-ci en revanche, tu n’y vas pas par rapport à ton ancienne maladie mais parce que tu as du mal avec ta jambe gauche. Ca te fait mal, tu n’arrives pas à la bouger comme tu le voudrais et malgré les radios que tu as faites, les tests pour être sûr que ça n’avait rien avoir avec un possible retour de ta leucémie, tu ne sais toujours pas d’où est-ce que ça vient et qu’est-ce que c’est. Voilà pourquoi tu es ici, dans la salle d’attente à bavarder à droite et à gauche comme tu sais si bien le faire.

Un ouragan s'échappe entre tes lèvres
Guettant parfois le cadran de ma montre, je scrute ainsi inlassablement l'heure qui me mènera à ma délivrance. J'entends par là qu'être Kinésithérapeute possède d'indénombrables inconvénients notamment le fait de devoir supporter les commérages incessants des habitués. Cette jeune-maman radote depuis plus d'une heure, et même si je me contente d'acquiescer faiblement chacun de ses potins d'un léger signe de tête, je suis intérieurement au pied du gouffre. Prés des abymes de l'enfer, à trois pieds sous terre entrain de me faire arracher les tripes par le mythe qu'est Cerbère. Ses paroles résonnent inlassablement dans mon esprit, tourbillonnent pour susciter une migraine en ma personne. Trois... Deux... Je guette la petite aiguille de mon cadran. La fin est proche, et un léger soupire de soulagement s'échappe immédiatement entre mes lèvres sans que celle-ci ne l'entende. A peine la jeune-femme partie, que mon assistante s'empresse d'appeler la nouvelle patiente. Intérieurement je prie, priant pour découvrir enfin un nouveau visage qui apaiserait ma journée le temps d'une petite heure. Mes prières ont été entendus, à croire qu'il serait peut-être temps que je revois mes positions sur la religion. J'esquisse instinctivement un léger sourire. En plus d'avoir un nouveau visage, c'est une jolie-blonde qui apparait. « Mademoiselle Fields, c'est bien ça ? Asseyez-vous s'il vous plait » Mon bras se tends un instant vers le fauteuil disposé dans la pièce afin de te laisser y prendre place. Les pertes de temps ne font guères partis de mon quotidien, ainsi je préfère t'amener directement au fauteuil d’auscultation que de s’attarder plusieurs minutes prés de mon bureau. Mes yeux guettent soigneusement ta silhouette, une vieille habitude, une habile observation qui me permet des les premiers coup d'oeil de cerner la douleur qui t'amène dans mon cabinet. « Depuis quand avez-vous mal à la jambe, Mademoiselle Fields ? Savez-vous pourquoi vous avez mal précisément à cet endroit ? » Les interrogations fusent entre mes lèvres tandis que je m'agenouille instinctivement prés de ta personne pour tâter par dessus ton jean, ta jambe. Et même si la beauté de cette patiente est agréable, Nickolas serait fier d'y constater que je demeure extrêmement professionnel.  

Can you please shut the fuck up ?

Quand tu le vois arriver devant toi, tu te méfies légèrement. Il est un peu jeune pour être médecin, non ? Oui parce que tu stresses toujours, tu as cette peur inexplicable de ne pas avoir un bon médecin. Pour toi, il faut être âgée, porter des lunettes et marcher lentement pour être un médecin expérimenté. Mais ça, c’est dans la tête. Ca ne veut rien dire. Du coup tu chasses tes aprioris en un rien de temps et tu fais ce qu’il te demande. Tu t’assoies et tu ne bouges plus d’un seul centimètre. Je ne sais pas exactement, quelques jours seulement, une semaine grand maximum. Ce n’est pas le genre de choses que tu laisses trainer alors il n’y a aucune doute là-dessus. Il va te prendre pour une folle, à venir dans son cabinet pour une stupide douleur qui dure depuis une semaine environ mais tu t’en fiches. Il est payé pour faire ça, pas pour te juger après tout. Je sais pas vraiment. Je suis tombée sur ma planche de surf la dernière fois mais je ne pense pas que ce soit ça, c’est pas possible non ? Tu n’as pas vraiment eu mal en tombant alors tu en doutes fortement. C’est même improbable mais c’est lui l’expert alors tu lui fais à peu près confiance. Enfin c’est ce que tu croyais jusqu’à ce que tes stéréotypes sur les médecins reviennent au grand galop. Je peux vous poser une question ? Pas besoin d’avoir de réponse. Vous êtes jeune pour être médecin, non ? Vous devez avoir entre vingt-deux et ving-sept ans, vingt-neuf grand maximum, non ? Parce que ça me fait un peu peur en fait. J’ai vu beaucoup de médecin dans ma vie et ils étaient tous vieux, avec des lunettes et une haleine de morse. Du coup je me méfie un peu... Pourquoi est-ce que tu es venue alors ? Bonne question. Il fallait réfléchir avant ma petite dame, maintenant que tu es là, tu ne bouges plus. Vous devez me prendre pour une folle... Tu ris parce que ce ne serait pas la première fois que l’on te prend pour une folle, bien au contraire.