si j'me trouvais devant cette porte, c'est probablement parce que j'me sentais affreusement seul. violet était l'une de ces rares filles avec qui j'me sentais bien, même si je n'avais pas été le type le plus classe à son égard. j'me sentais mal d'avoir agi de la sorte avec elle, mais je tâchais de ne pas trop y penser. actuellement, j'voulais surtout la voir et peut-être plus, qui sait. égoïste, direz-vous? ouais, un peu. je frappe à la porte, puis j'attends patiemment qu'elle ouvre, comme le type le plus angélique de ce monde.

Un coup contre la porte me réveille de mon court instant de sommeil. Les yeux à demi entrouverts, je me redresse, encore à moitié dans les bras de morphée. Je sors du canapé un peu difficilement, et je vais ouvrir, me demandant qui peux venir toquer chez moi sans avoir jugé nécessaire de m'en informer par avance. Et c'est sans réelle surprise que je découvre West devant ma porte.  Après tout, il a l'habitude de débarquer à l'improviste. Je songe à lui claquer la porte au nez un instant, ce serait tellement plus facile que de lui dire que je ne veux plus qu'on se voit, du moins pas comme on a l'habitude de le faire. Je ne bouge cependant pas, et d'une voix neutre je lui demande : "Qu'est-ce que tu fais là ?" Question dont je connais déjà la réponse, mais je m'efforce de paraître détachée. Je suis un peu perdue, je sais qu'il n'est pas la personne qui me convient mais pourtant, je ne peux pas m'empêcher de le vouloir près de moi.

je me doutais bien qu'elle allait m'demander un truc du genre. j'espère pouvoir m'en sortir, comme d'habitude. mais, au lieu de ça, j'me sens mal. alors, je n'sais davantage pas quoi répondre. « j'sais pas trop. » moment de réflexion. « en fait, si. si, je sais. et j'imagine que toi aussi. » je m'attends au pire, étrangement. j'aurais peut-être dû y penser avant de poser les pieds ici. « tu m'manquais. » c'est sincère. elle me manque. c'est juste que j'saurais pas mettre un mot sur c'que je ressens pour elle. parfois, j'ai l'impression que c'est d'l'amour. parfois, j'ai l'impression que c'est de l'amitié. ou un mélange des deux, mais pas l'genre de chose qui entraîne une relation sérieuse et j'sais pertinemment que c'est c'qu'elle recherche. j'sais également qu'elle sait qu'elle ne trouvera pas de ça avec moi. « voilà. »

Toujours la même réponse que d'habitude. Voilà ce qu'il me dit à chaque fois, que je lui manque. Mais aujourd'hui, c'est différent. Aujourd'hui, je ne vais pas lui ouvrir grand les bras comme je le fais habituellement. Non, ça fait un moment que j'ai pris ma décision, et je vais la tenir. Même si j'ai envie de le faire entrer et d'agir comme si on était un vrai couple, même si mon coeur bat un peu plus fort en sa présence. Il n'est pas celui qu'il me faut, je me répète intérieurement, encore et encore. "Dis plutôt que t'as envie d'une présence féminine dans ton lit." Bon, ce n'est pas vraiment ce que je comptais dire, mais c'est ce que je me demande depuis un moment. Si il ressent au moins un tout petit quelque chose pour moi, ou si tout ce qu'il veut c'est avoir quelqu'un avec qui partager ses nuits quand il en ressent le besoin.

sa réponse m'glace le sang. en temps normal, j'aurais posé mes lèvres contre les siennes, puis basta. simplement, cette fois-ci, ce n'était pas vraiment approprié. surtout pas après l'genre de réplique qu'elle venait tout juste de me balancer. si j'avais envie d'une présence féminine? ouip. si j'avais envie d'une présence féminine 'dans mon lit'? aussi. mais ce n'est pas directement c'que je venais chercher, en venant la voir. j'veux dire, j'suis pas venu que pour ça. « tu m'connais mal. » ou alors tu m'connais bien. mais j'persiste à croire que je n'suis pas comme ça. enfin. j'suis pas pervers, voilà tout. « j't'aime bien, violet. » mais j'imagine que ce n'est pas suffisant. « et pas seulement dans un lit. »

Je soupire, fermant les yeux un bref instant pour tenter de clarifier mes pensées. Puis je reprends, d'une voix lasse : "Et comment voudrais-tu que je te connaisse mieux ? Nous ne restons jamais assez longtemps ensemble." J'ai envie de pleurer quand j'écoute ses paroles suivantes. Parce que ce n'est pas ce que j'aurais souhaité qu'il dise, ou du moins pas entièrement, s'il avait enlevé un seul petit mot, j'aurais été comblée. Je garde le silence quelques secondes après sa dernière phrase, pour accuser le coup. Je savais au fond de moi qu'il ne ressentait pas d'amour véritable à mon égard, mais c'est autre chose que de se l'entendre dire. "Je ne sais plus où j'en suis... Au début, je croyais que c'était moi le problème." Je n'ajoute rien, il n'y a pas besoin, il comprends très bien ce que ma phrase signifie. Que c'est lui le problème.

elle marque un point, là. « nous n'sommes pas obligés d'être ensemble pour apprendre à se connaître. » bien que j'préfère qu'on soit ensemble, étrangement. j'vois bien que ça n'va pas, et j'me sens encore une fois assez coupable. j'soupire, puis baisse les yeux au sol. « et donc, à tes yeux, je suis le problème. » elle n'a pas tord. mais j'ai encore envie d'la voir. « t'as raison. » long moment de silence. « et si j'ai encore envie d'te voir? j'fais quoi? » tu restes chez toi, haha. j'suis très mal à l'aise, et j'crois que ça s'voit. inutile de tenter de le cacher.

Je ne peux pas le contredire sur ce point. "Oui, c'est vrai." Rien de plus, je n'en vois pas l'intérêt. Et surtout, je ne vois pas quoi dire d'autre. Que c'est pour ça qu'on devrait s'arrêter là, tous les deux ? Peut-être. Mais je me tais, le laissant continuer. Il admet l'évidence, au moins. Et puis, ça se complique. Je ne pensais pas qu'il voudrait continuer à me voir, naïvement je me disais qu'il partirait et que je ferais comme si il n'y avait jamais rien eu entre nous. Comme si je n'était pas en train de retenir mes larmes. Je ne veux pas qu'il me voit pleurer. Je dois déjà avoir l'air assez triste comme ça. Et lui, il a pas vraiment l'air non plus au meilleur de sa forme. Dans un sens, ça me rassure. Un tout petit peu. "S'il te plaît, c'est déjà assez difficile comme ça... Tu sais, je pense que je suis amoureuse de toi. Ou que je l'étais, je ne sais plus vraiment." Je ne dois rien lui apprendre, mais je veux le dire à voix haute, avant que tout se finisse complètement. Et je veux aussi éviter de répondre à sa question, à laquelle je n'ai aucune réponse.

je l'écoute attentivement, puis ses mots m'heurtent de plein fouet. je m'en doutais, mais l'entendre, c'est différent. alors j'suis là, debout, comme un bel idiot. et j'suis censé répliquer quoi, maintenant? « aaaah.. ? » t'es imbécile, west. j'cherche mes mots, comme si c'était la première fois que j'voyais violet devant moi. « je.. j'sais pas.. hm.. enfin. » j'me passe une main dans les cheveux, un peu nerveux. « je.. j'suis pas indifférent, tu sais. » j'regarde partout sauf dans sa direction, visiblement très timide. « c'est juste que.. j'pourrais pas expliquer, j'crois. j'pourrais pas expliquer c'que j'ressens pour toi. mais je n'ai pas l'impression que c'est le genre d'amour qui te fait passer une vie avec quelqu'un, bien que.. bien que j'tiens beaucoup à toi et que j'trouverais bizarre de voir un autre type avoir cette même relation avec toi. »

A voir sa nervosité, ça me donnerait presque envie de rire, si la situation n'était pas aussi grave. C'est la première fois que je le vois comme ça, à hésiter et à ne pas savoir quoi répondre. Donc je souris, pas d'un sourire joyeux et lumineux, mais ça reste un sourire. J'écoute ce qu'il me dit, et c'est là que mes larmes commencent à couler, les larmes que je retenais depuis un moment. Je jure presque silencieusement et d'un geste rapide de la main, je les essuie. Et puis je lui dis, doucement, en murmurant presque  : "Je crois que je le savais, depuis le début. Et je ne me suis rendue compte que récemment que ça ne pouvait plus continuer comme ça." Et puis je reprends, un peu plus fort cette fois-ci, tout en essayant de capter son regard qui demeure fuyant : "Moi, ce que je veux, c'est une relation dans laquelle je m'épanouirais, quelque chose de durable. Et nous, ce qu'on a, c'est..." Je cherche mes mots, ne sachant pas vraiment comment définir ce qu'on partage tous les deux. Alors, je fais un geste de la main, qui ne veut rien dire, mais de toute façon, est-ce que notre relation a un sens ?

que dire, mis-à-part que je suis désolé. je relève quelques secondes mon visage pour la regarder, et j'remarque des larmes. j'ai l'coeur qui me sert. très fort. « j't'assure que tu as tout pour plaire, violet. t'es extra. mais il y a des choses qu'on ne contrôle pas. » et ça, je n'le contrôle vraiment, vraiment, vraiment pas. j'prends une pause, puis passe mes pouces sur son visage pour essuyer ses larmes. « et t'sais, j'suis pas le type le plus simple en matière de sentiments. tu trouveras certainement un type pour toi. » silence. et voilà que j'voudrais lui dire que je l'aime. mais j'sais bien que c'est éphémère. j'sais bien que demain j'me poserai encore un tas de questions. j'sais bien que c'est parce que j'la vois pleurer, et que j'aimerais bien qu'ça fonctionne. mais ça ne fonctionnera pas. par ma faute. « donc.. tu.. n'veux plus me voir du tout? juste au cas où j'aurais mal compris. » j'le digère pas vraiment. mais en même temps, c'est c'qu'il y a de plus compréhensible au monde, et c'est probablement c'que je ferais en situation inverse.

J'écoute ce qu'il me dit, en pensant amèrement que c'est le même refrain que m'ont sorti tous mes autres exs. Que je suis quelqu'un de génial, mais que ça ne marche pas, que ça ne peut pas marcher. Il semblerait que je sois vraiment maudite en amour, parce qu'aucune de mes relations ne tient. Je tente un pauvre sourire lorsqu'il chasse mes larmes, bien que le coeur n'y est pas. Et puis, il me dit encore une fois ce que j'ai entendu à maintes reprises, à savoir que je trouverais celui qu'il me faut. Le problème, c'est que je l'attends toujours, et qu'à chaque fois que je crois l'avoir rencontré, tout recommence. "Peut-être. Mais je commence à croire que la personne qui me rendra heureuse n'est pas ici, à Gold Coast." Je soupire avec un petit haussement d'épaules, comme si ça ne m'affectait pas. Et puis, je réponds à sa question, hésitante : "Je vais y réfléchir,  j'ai besoin d'un peu de temps. Enfin, j'ai ton numéro." Je ne sais pas si je l'utiliserais pour le rappeler, mais ça laisse un espoir.

« gold coast, c'est terriblement grand, tu sais. j'veux bien te recommander à quelques potes, mais j'ai pas forcément envie d'te voir dans les bras d'un autre. j'suis égoïste, n'est-ce pas? » je n'me considérais pas comme un type jaloux, mais j'me rendais bien compte qu'au final, je l'étais un peu. « ça va, j'comprends. j'suis là si.. t'as besoin d'une présence masculine. haha. » non, west. non. j'souris maladroitement, puis j'fais une folie. c'est-à-dire que j'pose mes lèvres contre les siennes, comme ça, sans permission quelconque. oops. j'me détache tout aussi maladroitement, puis tourne le dos comme pour partir. « pardon. du coup, à plus, peut-être. bonne journée. »

"Je sais. Peut-être que mon prince charmant passera la porte de mon institut de beauté, un jour.", je réponds avec un peu d'humour. Et puis, doucement je lui dis : "Non, c'est pas de l'égoïsme. Enfin, je crois pas, j'pense que c'est normal, quand on tient à quelqu'un." Et puis, sa phrase suivante me met encore plus mal à l'aise, parce que je la trouve un peu malvenue, dans le contexte. "Oui, je n'hésiterai pas à t'appeler quand j'aurais besoin d'un gentil garçon qui accepte de regarder le Roi Lion avec moi." Toujours de l'humour, je préfère ça plutôt que de continuer à pleurer. Et il fait une chose qui me prend un peu au dépourvu, il m'embrasse. Ce n'est pas un baiser fougueux, mais chaste et délicat. Je le prends comme un baiser d'adieu, le dernier. Je ne dis rien, et il me tourne le dos, commençant déjà à s'éloigner. "Au revoir, West.", je murmure. Je vais presque le retenir, mais j'arrête mon geste, parce que je sais que c'est une mauvaise idée. Alors je recule à mon tour, le regardant partir.

« j'adooooore le roi lion. t'sais. » bonjour, le sarcasme. néanmoins, j'ris légèrement, puis tout s''déroule assez rapidement. elle me dit au revoir, j'fais un bref signe de la main tout en continuant de marcher devant moi. j'digère pas trop c'qui vient de se produire, mais il fallait bien s'attendre à ce que ça s'produise un jour. je tâcherai de ne pas trop y penser, et de ne pas trop m'informer si elle s'est fait un nouveau copain ou non, et j'vivrai désormais ma solitude sans sortie de secours.

the end.