« Bon et bien je vais filer, maintenant. Je rentrerai assez tard, aux alentours de minuit ou une heure du matin grand maximum. N'hésitez pas à m'appeler s'il y a le moindre problème. » Quittant le regard de la baby-sitter, je m'abaissai ensuite vers Juliet du haut de ses 6 ans pour ébouriffer doucement ses longs cheveux bruns. « Sois sympa Jules, demain je passe toute la journée avec toi, n'oublie pas. » Je l'embrassai sur son front avant d'enfiler une veste en cuir légère et de descendre rejoindre un ami en bas de l'immeuble. Ce soir, c'était soirée détente en boite de nuit et ce, malgré nos âges de trentenaires. Très vite,nous nous garâmes et nous entrâmes dans l'espace clos de l'Elsewhere, où nous allâmes au bar, pour commander une boisson. Les discussions allèrent bon train, très vite. Et puis accompagnée d'une inconnue, j'allai danser sur la piste, jusqu'à ce que mes yeux croisent ceux de... Tara. Tiens tiens... Je l'avais presque oubliée. Presque. En réalité, une fille comme elle ne s'oublie pas.

Je danse. Je danse toujours, en même temps. Je crois que c'est parce que ça fait partie de moi ... Le rythme dans la peau. C'est ça, la première chose qu'on dit de moi. Une fluidité de mouvement insolente. Je me dandine comme une catin, d'après certains. Mes hanchent valsent, de gauche à droite, haut et bas ; mon derrière se mouve, il suit le long d'une courbe invisible, provoquant regards et pensées. Mes cheveux claquent mon visage, ma peau ; ma nuque, mes os. Mes cheveux domptent l'air autour, et font de moi un être farouche. J'adore la pénombre. L'obscurité est ma soeur. Je m'amuse au rythme de cette chanson électronique, lorsque soudain, mon regard croise celui du beau brun qui danse à trois mètres de moi. Miam. Il me dit un truc. Autant faire plus ample connaissance ... Non ?

Était-ce bien elle ou avais-je rêvé ? Non, non. Je ne rêvais pas, c'était bien elle, avec son minois si félin, ses deux yeux si perçants et cette manière de danser pour le moins osée... Non, c'était vraiment elle. La petite sœur de mon meilleur ami. J'avais l'impression de ne pas avoir entendu parler d'elle depuis des années et cela devait être à peu près ça. Il ne me parlait d'elle que très rarement à vrai dire et avec nos vies d'adultes, nous passions moins de temps ensemble. Mais Tara, elle, c'était particulier. Notre relation était un mystère ambulant, tout comme elle d'ailleurs. Jusqu'à ce fameux baiser. Là, elle avait franchi la limite et par chance, son frère était là. Fallait-il seulement que je m'avoue à moi-même que dans le fond, aller plus loin ne m'aurait pas tant dérangé si elle n'avait pas été sa soeur, si je n'avais pas une copine enceinte. Parce que j'étais comme ça, libertin, à profiter sans cesse. Bref, Tara était là, juste à côté. Nous nous regardâmes un long moment sans rien trouver à dire et finalement, je brisai le silence en m'approchant d'elle et en abandonnant totalement l'autre fille par la même occasion. Peu importe. « Toujours cette même manière de danser... Comme si t'étais en chaleur. Enfin au moins, j'ai pu te reconnaître facilement. »

La musique me possède. Elle dompte mes mouvements, mes gestes. Elle m'engloutit, me transforme en son pantin. Engloutie par le son, noyée par le rythme. Voilà ce que je suis. Tant et si bien que je ne vois rien. Je ne perçois plus rien. La symbiose complète avec la mélodie. L'harmonie la plus parfaite avec le rythme. Enviez moi, bitches. C'est ça, que de savoir danser. Pas de trémousser son cul de haut en bas pour attirer le mec à la boucle d'oreille noire afin qu'il vous prenne dans les toilettes du fond. C'est alors que mon regard croise celui du brun, et si je ne m'arrête pas immédiatement de bouger, je ralentis cependant ma cadence. Il s'avance, et au fur et à mesure, je le reconnais. Liam. Évidemment. Il se fout de ma gueule, le connard, d'ailleurs.

- Il faut bien que je me démarque de lot. Fais pas ton macho, je sais que ça te fais fantasmer, quand j'me trémousse comme ça. Je lui réponds alors, provocatrice, avant de plaquer mon dos à son torse et de plier mes jambes pour les déplier par la suite, et ce, à répétition.

Se démarquer du lot. Bien sûr, elle me fit rire. D'ailleurs c'était plutôt un ricanement sarcastique, plus qu'un rire. Certaines se donnent vraiment l'occasion de se démarquer et elle n'y manquait pas, en effet. Si ça me faisait fantasmer ? Je n'aurais pas été jusque là. Non, elle m'amusait surtout. Et si mon excitation augmentait légèrement, c'était sans doute parce que j'étais un homme comme les autres et que ce soir-là, je ne me posais aucune limite. Tara n'était pas désagréable à regarder ; son corps attirait le mien comme il aurait attiré n'importe quel autre homme à femmes. Ma main se posa sur sa hanche tandis qu'elle remontait à ma hauteur. « A ta place, je ne serais pas si sûre. Mes fantasmes ne sont peut-être pas à la hauteur de minettes comme toi d'à peine vingt ans. » Non pas que je serais contre une partie de jambes en l'air avec une jeunette, mais il ne fallait pas non plus qu'elle se surestime trop, à moins de vouloir me faire rire.

Sa main glisse le long de ma hanche. Je souris. Ça commence bien. Il se croit malin, Liam. Il croit savoir s'y prendre avec moi ... Et pourtant, malgré les dix années qui nous sépare, c'est moi, celle qui ait un pas d'avance, dans ce jeu. C'est moi qui le mène en bateau, indéniablement. Il me lance une pique ; je rétorque en ricanant, simplement. Je n'ai pas à me perdre en rhétorique avec lui. Je sais que je suis différente. L'âge n'y fait rien. Je sais que je connais tous ses boutons, et que j'appuie sur les bons boutons, là. Ma main gauche glisse le long d'une de ses jambes, avant de s'attarder un bref instant sur sa partie de joie ...

- On parie ? Je lui demande alors, amusée, avant de me retourner subitement vers lui et d'enlacer mon bras droit derrière son cou. Je te suis. Puis, je me remets à danser.

Non, Tara n'a vraiment pas changé en quelques années. Toujours cette même once de provocation dans le regard et dans l'attitude aussi. Enfin, s'il ne s'agissait que d'une once, ça se saurait. Tout en elle sent la provocation. Et si à l'époque j'en riais beaucoup plus que ça ne me plaisait, aujourd'hui, je dois avouer être partagé entre les deux... Sa main glisse jusqu'à mes parties et mon regard redevient grave quand je croise le sien. « On peut parier ta dignité. » Lui murmuré-je alors, tandis qu'elle se retourne vers moi, tout contre moi. Elle me suit... Et c'est drôle, parce que je me mets à rire. Surement car je sais des choses qu'elle-même ne saurait imaginer. « Tu me suis nulle part Tara... Oh, je sais que tu raffolerais jouer à ce jeu là avec moi, mais tu as plein de jeunots autour de toi qui ne demanderaient que ça, se taper sauvagement Tara... Alors pourquoi moi ? » Demandé-je presque, en souriant, le regard au loin.

- Ma dignité ? Je lui réponds alors, d'un ton enjouée. Tu ne m'arnaqueras pas si facilement. Il murmure. Rien que ça, c'est un signe. Un signe qu'il ne prend pas tout cela autant à la légère qu'il aimerait me le faire penser. Il rit cependant alors, ce qui me déplait. Sa phrase d'après en fait de même. Elle me met en colère. Mais je joue le jeu. Je feins la surprise. Je joue l'innocente.

- Jouer à quoi, Liam ? Je voulais simplement danser avec toi, moi. Qui te dit que tu m'intéresses plus que cela ? Je tourne alors sur moi même, revenant rapidement à ses côtés pour lever ma main gauche vers son visage, celle qui arbore fièrement ma bague de fiançailles : Adam est bien assez capable de me satisfaire, tu sais ? Évidemment, qu'il le savait. Il avait eu à subir l'audio de nos ébats une fois, lorsqu'il était avec Jerry. Quelle coïncidence, que j'avais invité Adam ce même jour ... Non ?

Moi, l'arnaquer ? Mais voyons ! Avec moi c'est oui ou non, blanc ou noir. Je n'ai jamais trop aimé la demie mesure dans ces situations-là. Alors je ricane doucement en l'écoutant parler, mais ne dis cependant rien. Et alors, la roue tourne. Tara décide de me surprendre et bien comme il faut. J'observe cette bague et devine qu'elle est d'une nature officielle. Je finis par sourire, quoi qu'encore étonné. « Et bien, comme quoi tout est possible, tu en es la preuve vivante... » Ces propos ne sont pas destinés à la blesser, juste à montrer ma surprise. Et ses dernières paroles m'apprennent le prénom du cher et tendre convoité. Adam. Bien sûr, Adam ! Ce mec qu'elle avait ramené un soir où j'étais avec Jerry en train de tester un nouveau jeu vidéo accompagnés de bières. Finalement, je me pince les lèvres et hausse les épaules. « Il te satisfait tellement que tu as envie de te frotter à moi comme une chatte en chaleur... Pauvre Adam, s'il savait. » Je mime une petite grimace gênée et amusée à la fois avant de zieuter sur ma gauche, une brune en train de bouger ses fesses d'une manière peu catholique. Mon regard retourne sur Tara. « Ça ne te dérangera donc pas que j'aille danser avec une autre fille, non engagée ? Je n'ai pas envie de m'attirer les foudres d'un nouvel homme. » Dis-je avec une pointe de charme. Logiquement, ça ne devrait pas la déranger... Mais j'ai l'intuition que le prénom Tara n'a pas fini de résonner dans ma tête ce soir.

- Tu le sais depuis le début, que j'adore ça, la controverse. Je rétorque, un malin sourire aux lèvres. Ma langue se glisse alors d'entre les parois crées par celles-ci afin de venir humidifier celle du haut. Et là, il me ressort ces conneries ... Et je me mets à rire, d'une telle violence que cela en deviendrait presque effrayant. Un rire moqueur.

- Si seulement, Liam ... Si seulement. Je lui souris, avant de rouler mes yeux vers le plafond, histoire de lui faire comprendre que ses jeux ne m'amusent pas et que je ne suis plus la gamine que j'étais la dernière fois que nous nous étions vus. Tu me dois toujours une danse, je te rappelle. C'est un manque d'honneur que de ne pas tenir ses promesses. Il ne m'avait jamais rien promis, mais c'était tout comme. Et sans attendre le moindre feu vert, je l'attrape par la main et je l'entraine au milieu de la piste de danse du mieux de mes forces.

Tara fait la fière et pourtant... le mariage n'a rien de quelque chose de drôle, en soi. « Pas de quoi en être fière. » Je réponds, avec une mine sceptique. Visiblement, il la satisfait, mais ma remarque est destinée à lui faire constater son attitude pour le moins désinvolte. Ça la fait rire et à vrai dire, je ris aussi. Mais juste parce que je pense avoir raison. Le fait qu'elle ait grandi ne justifie pas tout je pense. Voilà qu'elle me sort une ânerie. Une promesse que je lui aurais faite, Dieu sait quand. Et alors elle m'emmène danser. Je souris comme si j'avais une enfant au bout du bras. Tara a beau avoir franchi le cap de la vingtaine, elle reste cette même fille impulsive et inconsciente. Sans danser vraiment, je baisse mon regard vers le sien. Et je fais exprès d'avancer mes lèvres vers son visage... et finalement vers son oreille. « Tu as une bague, c'est bien. Mais j'ai un enfant à ma charge et ça a encore plus de valeur à mes yeux. » Mon visage se réhausse et je commence à bouger, très simplement.

- Je pense être capable de savoir de quoi être fière et que regretter. Je lui lance alors, amère. S'il prenait cela comme une attaque, tant mieux, car ça en était une. On ne se moque pas de mes fiançailles. Jamais. Je l'entraine alors sur la piste, cherchant à l'ennuyer, un peu. J'aime bien lui faire chier, parce que je suis l' une des seules qui ose, j'en suis certaine. Les autres femmes se contentent de piailler à ses pieds. Chiennes. J'suis pas une chienne, moi. J'ai peut être pas de dignité, mais j'ai au moins un respect pour moi-même assez prononcé. Il me regarde dans les yeux, s'approche de moi ... Mes yeux s'agrandissent, un tout petit peu. Va-t-il m'embrasser ? Mauvaise pioche.

- Parce que tu crois que je comptais m'arrêter au mariage ? Je croyais que tu saurais, à ce stade, que lorsque je commence quelque chose, je vais jusqu'au bout. Je le toise, d'un ton jubilant. À ton avis, combien d'enfants est-ce que mon corps serait capable de supporter, mon lapin ? Je lui demande finalement, avant de danser, souriante.