Le soleil tape, cogne, la bouscule. Et pourtant, elle ne ressent rien. Aucun coup de soleil, aucune brûlure. Elle ne fait que bronzer, les minutes passant, tristes, mornes et pourtant si heureuses. Un sourire éclôt sur ses lèvres, elle fixe l'océan, les yeux brillants, nacrés d'étoiles, ses pensées obnubilées par sa soeur. Amaya. Si douce, si pure. Et si instable... Son regard se tourne vers un jeune homme. Saad, qu'il s'appelle. Elle ne le connaît pas vraiment. Et pourtant, lui la connaît. Depuis les premières heures, elle sent peser sur elle ses yeux, sur chaque parcelle de sa peau. Elle sait qu'elle lui plaît. Idiot, pense-t-elle. Toute la journée, il a voulu lui montrer à quel point il était fort, espérant sans doute qu'elle finisse rapidement dans son lit. En vain. Elle n'est qu'une brise légère, qui s'envole dès que l'on pense la tenir entre ses doigts. Elle file, défile, glisse dans l'air. Quelques instants, elle observe le coucher de soleil, assise sur sa planche, juste à côté de Saad. « C'est magnifique... », chuchote-t-elle, sans se préoccuper de savoir s'il a entendu ou pas.

Constamment, elle pensait à sa petite soeur. Et constamment, elle se faisait du souci pour elle. A chaque moment, chaque seconde, ses pensées divaguaient vers la jeune fille, sans doute couchée dans son lit, chez elles. Mais pour le moment, ce n'était pas vraiment pour sa soeur qu'elle était préoccupée, mais plus par ce jeune homme qui voulait absolument l'avoir, la voir à ses pieds. Le pauvre. Alors qu'ils étaient chacun assis sur leur planche, elle sentit ses doigts attrapés, agrippés, enlacés par une main qui n'était pas la sienne. Il lui avait pris la main. Elle voulut bouger, mais ne fit rien, laissant leurs doigts entrelacés, ses yeux rivés vers le coucher de soleil, au loin. Elle tourna la tête en guise de réponse à sa question, baissa un instant les yeux. « Je ne suis pas une grande solitaire dans l'âme. » Il la complimenta, elle faillit rougir, sourit, le remercia doucement. Simplement. « Merci, c'est gentil. »

Elle n'était pas une fille facile. Elle ne finissait pas facilement dans un lit, surtout avec une personne qu'elle pouvait ne connaître que depuis quelques heures. Elle jeta un rapide coup d'oeil à sa main, dont les doigts étaient serrés autour des siens, enlacés, tels des amants qui se retrouvent chaque nuit. Elle aurait pu ajouter qu'elle ne laisserait jamais sa petite soeur seule, qu'elle préférait mourir que de la savoir seule et triste, mais se tut, décidant qu'il valait mieux que cet inconnu qui n'en était presque plus un ne sache pas trop de choses sur elle, pour que la déception soit sans doute moins grande. Et pourtant... et pourtant elle l'aimait bien. Elle aimait bien ses yeux, son sourire, cette façon qu'il avait de la regarder. Il rapprocha sa planche, rapprochant ainsi leurs deux corps, se frôlant presque. Il parla, doucement, tendrement. Elle n'était pas du genre à rougir et à trembler. Elle connaissait. Elle avait déjà vécu. C'était un peu amusant. « Je peux te renvoyer le compliment, c'est vrai que ce moment est très agréable. »