D'habitude, je déteste faire les magasins, mais là c'était les soldes et j'avais vraiment besoin de vêtements. Je déambulais dans les rues jusqu'à temps qu'une petite boutique attire mon regard : shoetique, une boutique de chaussures. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je repensai à ce que m'avais demandé Aurora hier : La marque de mes chaussures. La première boutique dans laquelle j'entrai fût donc celle-ci. C'était petit ici, et pas très chic. A gauche, c'était pour les hommes, au fond les enfants et à droite les femmes. Je m'approchai du rayon qui m'était dédié et jetais un rapide coup d'oeil. Ils ne soldaient pas beaucoup... S'ils croyaient qu'on savait pas calculer leurs -28% et en déduire que c'était naze comme réduction, ils se trompaient. J'étais seul dans la boutique puisque le vendeur était parti dans la réserve. Tout à coup, la porte de la boutique s'ouvrit. Je n'y fis pas attention et continuais mes recherches qui semblaient d'or et déjà perdues d'avance.

Une femme s'approcha du rayon homme. Je mis un certain moment à comprendre que cette femme, c'était Aurora. Que faisait-elle ici ? Cela me troublai de la revoir, surtout dans un magasin pour chaussure, allez savoir pourquoi. J'étais beaucoup moins à l'aise que dans la bibliothèque. Peut-être qu'en m'éclipsant discrètement elle ne me remarquerait pas ? Trop tard, son regard venait de croiser le mien. Mince ! Bon, plan B : Bonjour Aurora.. Dis-je en bredouillant. Pitoyable.

Apparemment, elle était aussi à l'aise que moi. Après avoir reformulé son "tu bien va", ce qui me fit sourire légèrement, je pris mon courage à deux mains pour lui répondre sans bredouiller. Ca va. Mince, j'allais oublier de lui dire le fameux "et toi", alors je rajoutai Et toi ? Pour le moment, j'étais incapable d'aligner deux mots de plus. Je détestais les magasins, et je détestais encore plus y croiser des gens que je connaissais. Ca me mettais toujours mal à l'aise, comme si, d'un coup, la personne en face de moi allais connaître toutes mes habitudes et mes goûts en matière de vêtements (même si, il faut l'avouer, je n'ai pas vraiment de goûts concernant les habits).

Elle me demanda si je devais acheter une paire, ce qui me fis sourire. Théoriquement oui, mais en pratique, je ne vais pas le faire. Je me rapprochai d'elle, soudainement sûr de moi, jetai un coup d'oeil dans la boutique pour voir si le vendeur était là, puis, en baissant la voix je lui dis Si tu veux mon avis, ceux qui fixent les prix des chaussures nous prennent clairement pour des dindons.

Je la vis se tendre lorsque je m'approchai d'elle, alors je reculai un tout petit peu, pour ne pas la gêner. Elle me confia alors exactement ce que je pensais : les marques, c'est de la grosse arnaque. Pieds nus ? Elle a bien dit pieds nus ? Mais c'est une excellente idée ! J'ai toujours rêvé de me trimballer pied nu. Je jetai un coup d'oeil à mes chaussures, qui était vraiment dans un piteux état. Elles étaient trouées sous la semelle, les lacets étaient tout effilochés et leur couleur marron commençait à devenir blanche, allez savoir pourquoi. Je pris appui sur une étagère où était disposées des tongs, retirai mes chaussures et les glissai dans une boîte au hasard. Après tout, autant se trimballer en chaussette plutôt qu'avec des chaussure inutiles qui prennent l'eau (et qui sont moches). Je mis un moment à percuter que ce que je venais de faire était complètement dingue et je rougis aussitôt. Vite, de l'air ! Je haussai les épaules, pour faire genre "je suis très à l'aise, ce que je viens de faire est tout à fait normal" et bredouillais- ce qui vient contrecarrer mon plan de haussement d'épaule de mec sûr de lui Maintenant, je peux te dire la marque des mes chaussettes. Dis-je en repenssant à hier. Je regardai mes chaussettes noires, plissai les yeux. Des sans marques. Et je rougissais de plus belle. Mais quelle boulette ! Mais quelle boulette !

Rien que pour avoir entendu son joli rire, je me suis dit que ça valais le coup d'avoir abandonné mes chaussures et de me retrouver en chaussette devant elle. Sa remarque me fit sourire. Je partage cet avis. Ils ont essayé, mais j'ai brandi un ticket de réduction et j'ai donc contourné cette arnaque avec brio. Puis je me suis rappelé que si elle était venue là, c'était forcément pour acheter des chaussures... Et toi ? Tu as envie de te faire arnaquer aujourd'hui en achetant des chaussures avec un petit logo ? lui demandai-je en souriant.

Elle me proposa de l'aider à choisir des chaussures ! Dingue ! Déjà que pour moi j'avais du mal, mais alors pour une fille ! J'étais content d'un côté, car quand elle portera les chaussures, elle pensera à moi. Et je trouvais cette idée plutôt plaisante. Le problème, c'est que j'avais peur de lui proposer quelque chose qui ne lui plairai pas. Je ne connaissais pas vraiment ses goûts et je ne voulais vraiment pas faire de boulette. Ouai, je veux bien. J'aime bien aider les gens à se faire arnaquer. Lui dis-je en lui faisant un clin d'oeil. Hum... tu aimes quoi comme chaussure ?

J'adorais la manière dont elle m'a dit qu'elle aimait les bottes, comme si c'était une confidence d'une haute importante. Et j'ai encore plus aimé quand elle m'a pris par le bras pour m'entraîner vers le rayon femme. Mais elle lâcha vite mon bras, avant de s'excuser. Je ne compris pas pourquoi, mais je lui dit tout de même Pas grave.. Nous étions envahis de chaussures, allant des tongs aux bottes. Il y en avait encore plus que chez les hommes. Je me dis que j'étais bien dans la mouise pour l'aider maintenant. Je regardai rapidement les prix des chaussures, des bottes en particulier. Ca allait du simple au double. Pour ne pas faire de gaffe en lui proposant une paire de chaussures moche, j'eus une idée. Dit un nombre entre 0 et 9.

Elle ne me facilitait pas la tâche avec son sept. Tu vas voir et je m'approchai des rayons, cherchant une boîte où le prix indiqué finissait pas un sept. Il n'y en avait pas des masses, mais je finis par dégotter une paire de bottes dont le prix était de 32€57. Parfait. Je lui tendis la paire, content de moi. Le prix se termine par un sept, alors elles sont faites pour toi. Affirmais-je. Sauf que je n'avais pas fait attention à la tête des bottes, et elles étaient vraiment... pas pour sortir en ville. C'était plus des bottes pour jardiner. Elles étaient en plastique rouge flash, avec des points noirs et une tête de coccinelle sur le devant. Je me mordais les lèvres. Euh, tu peux changer de chiffre si tu préfères.

Je m'en doutais que j'avais fait une mauvaise pioche. Je grimaçai en riant à la fois à propos de sa remarque sur le jardinage. C'est vrai que je ne l'imaginais pas vraiment avec un chapeau de paille sur la tête et une arrosoir à la main en train de planter des tomates. J'ai une idée ... Tu choisis la paire de bottes que tu préfères, qu'importe comment elle est, son prix, sa couleur.. Il faut juste la pointure qui m'aille. Mince alors ! Et je faisais comment maintenant ? Je... Hum... T'es sûr ? Parce que tu risques de le regretter vu mes goûts... T'es sûr que tu veux des bottes ? Car le choix est assez limité. C'était surtout parce que les bottes, c'était assez spécial comme chaussure, et j'avais déjà ma petite idée derrière la tête... Oh, et tu fais quelle pointure ?

J'hochai la tête et parti à la recherche d'une paire de chaussures. J'arpentais les quelques rayons réservés aux femmes, stressant comme un fou. J'étais foutu, j'allais jamais trouver de belles chaussures qui lui plairaient. Jusqu'au moment où je tombai sur un bac remplit de tongs pour hommes et femmes. Il y en avait de toutes les couleurs et pour tous les goûts. Je pris quatre paires. Je les détachai et mixais le tout. Dans les deux paires femmes, je mis une tong jaune avec une tong noire, et je fis pareil avec les tongs homme. Je me rendis ensuite à la caisse, payai les deux paires de tong. Le vendeur regarda un instant mes pieds en chaussette mais n'osa rien dire. Il me dit aussi que je pouvais changer de tong, vu qu'elles n'avaient pas la même couleur (il ne m'avait pas vu les détacher), mais je lui répondis que c'était parfait comme cela. Je reviens ensuite vers Aurora et lui tendis les tongs : Tadam ! Elles sont cool hein ? J'affichai un grand sourire, trop heureux de lui offrir quelque chose. Puis, devant sa tête bizar qui devait se demander pourquoi j'avais mélangé les couleurs, je jugeais bon d'ajouter Au fait, j'ai pris les mêmes tongs que toi. Ainsi on est relié par des tongs ! Quand il fera jours et que tu penseras à moi, t'auras juste à regarder ton pied droit, et quand il fera nuit et que tu penseras à moi, t'aura juste à regarder ton pied gauche. Et moi je pourrais faire pareil ! Je me rendis alors compte de ce que je venais de dire. Qu'allait-t-elle penser maintenant ? Que je voulais la draguer avec des tongs ? Merde alors. J'avais envie de me donner une claque moi-même pour la bêtise que je venais de faire.

Mes doutes furent tout de suite dissipés lorsqu'elle me prit dans ses bras et qu'elle me chuchota mille merci à l'oreille. J'avais l'impression que j'allais fondre sur place, comme si son bonheur me percutait de plein fouet. Mais après ce petit moment ou le monde entier était rose bonbon, je me sentis plutôt mal à l'aise. J'avais l'impression d'être trop grand, trop maladroit, je savais pas quoi faire de mes bras, ni de mes jambes, ni de rien au final. Heureusement, elle finit par s'éloigner de quelques pas. De rien. Lui répondis-je simplement en souriant, et en rougissant.

Son portable vibra, elle le sortit, lit ce que quelqu'un avait du lui envoyer, puis elle m'annonça qu'elle devais y aller. Ca m'a rendu triste d'un coup, mais j'ai quand même gardé mon sourire. De rien, c'était avec plaisir. Je souris de plus belle quand elle me fit un clin d'oeil avant de quitter la boutique, comme un moineau qui sautille sur le sol. Je me rendis alors compte que je ne lui avais donné aucun moyen de me joindre. J'aurai voulu la rattraper mais elle était déjà partie.

FIN DU RP