Le calme de la bibliothèque m’apaisait. Cela devenait de plus en plus difficile de pouvoir simplement lire dans mon propre appartement. Ma colocataire était bruyante, mes voisins étaient bruyants. Mais le devoir de la cuisine m'appelait; c'était à mon tour de cuisiner le repas aujourd'hui. Réunissant les trois livres en un tas que je calai contre ma poitrine, je me levai et me dirigeai vers la sortie, étant occupée à envoyer un message à mon demi-frère. Je ne compris ce qui m'était arrivée qu'au moment où je levai mon regard de mon téléphone, le posant sur le paysage devant moi. Ohhh, désolée, désolée! je ne.. voulais pas.. je vous avais pas vu.. voyez-vous.. J'avais gentiment bousculé un jeune homme, laissé tomber mes livres et m'étais affichée devant lui en m'embrouillant dans mes excuses.

Paniquée, je m'accroupis et récupérai les livres que j'avais fait tomber. Il sut  en intercepter un avant moi, me le tendant gentiment. J'hochai de la tête, signe de remerciement, et les recalai entre ma poitrine et mon bras. Je lui souris timidement, marchant à reculons pour sortir de l'endroit  mais un obstacle se trouvait dans ma trajectoire. Je percutai une chaise, et manquai de tomber. Je me rattrapai à temps au dossier. Quelle honte. Mes joues commencèrent à s'empourprer et à se colorer de rouge. Je n'osais relever le regard, me contentant de regarder les chaussures du brun. Oh, euh.. C'est quel marque? Changement de sujet très inefficace parce que je n'y connaissais rien aux marques et j'espérai vraiment qu'il n'était pas un fan de mode car je n'arriverai pas à suivre la conversation.

Je me relevai, déposant mon tas de bouquins sur la table. Je lissai d'un geste rapide la jupe que mon demi-frère m'avait limite obligé d'acheter avec mon argent, je précise. La réponse du jeune homme -dont je ne connaissais pas encore le prénom- me fit sourire. Nous avions tous les deux l'airs très calés en marque, mode et tout ce qui s'ensuit. Je frottai mes joues, ayant l'impression qu'elles surchauffaient quand je m'interrompis suite à sa question. Je crois que je vais m'en tenir à la marque de tes chaussures, finis-je par lui répondre par un léger froncement de sourcils. Je finis par rire, amusée de la situation. J'avais toujours l'art de me mettre dans des conversations étranges. Je voyais que je n'était pas la seule embarrassée dans l'histoire car il rougissait aussi et je ne pus m'empêcher de trouver ça adorable.

Je rigolais suite à la remarque de ses chaussettes. Me rendant compte que j'avais mal au genou, j'essayais de m'abaisser discrètement pour pouvoir l'inspecter et priai pour que je ne me sois pas fait un bleu. Je le vis s'approcher de moi avec empressement, ce qui me fit relever la tête. Il se jeta presque sur un des cahiers que j'avais déposé mais s'arrêta au dernier moment. J'esquivai un sourire quand il s'émerveilla devant le livre de math.Tu.. hmm.. En as besoin? Ca n'allait pas me tuer de le prêter quelques temps. Ce n'est pas comme si je faisais des problèmes tous les soirs ou étudiais les pages par coeur, alors ça va.

J'essayais de comprendre ce qu'il entendait en parlant des probabilités des évènements. Je n'en m'étais jamais vraiment intéressée, me dirigeant plutôt sur des livres qui laissent à réfléchir et à se remettre en question. Je patientai, m'appuyant sur un pied puis sur l'autre, luttant contre l'envie de m'asseoir. Tu étudies sur quels genres d'évènements? finis-je par demander en m'y intéressant réellement. Avoir de la culture en plus ne pouvait que me mettre de bonne humeur; il était bon de s’enrichir! Oh non, tu peux le prendre, ça ne me pose aucun problèmes, lui affirmais-je en lui offrant un timide sourire.

Je l'écoutais en fronçant des sourcils. Ca m'avait l'air bien compliqué mais intéressant. Il fallait une certaine passion pour faire  ce genre de choses, et je trouvais cela bien original. Quand il parla de mon genou, j'essayai de masquer ma gêne en souriant. Je mis ma main sur ma jambe, comme si cela allait lui faire oublier que je m'étais fait mal. Ah.. de la pommade.. La gêne m'empêchait d'aligner trois mots correctement. Oui.. je, hmm.. mettrai si j'en ai chez moi, dis-je en hochant de la tête. Il rougit et je ne pus m'empêcher de le trouver craquant. C'était bien la première fois que je rencontrais quelqu'un de beau à regarder dans un lieu tel que la bibliothèque, et il m'intriguait énormément. C'est comme si je défiais ma timidité juste pour lui parler. Et tu aimes quoi d'autres, dans les math? Ca m'intéresse... Je mis ma main sur ma bouche, lâchant un rire stressé. Mes joues s'empourprèrent et mon visage prit très vite une teinte de rouge. Je me rendis compte que c'était un peu comme de la drague, ce que je venais de dire. Et ça devenait très gênant.

Je fus assez surprise quand je le vis sortir un tube de pommade de son sac. Ce n'est pas le genre de choses qu'on transporte habituellement, et surtout venant d'un garçon. Je ne compris pas tout de suite où il venait en venir, ce tube à la main. Peut-être me conseillait-il une certaine marque qui n'arnaquait pas les clients, ou qu'elle sentait bon. Mais je finis par me rendre compte ce que ce geste voulait dire et tendit ma main pour le prendre, évitant de toucher ses doigts. Il faut éviter les contacts physiques, Aurora, me répétais-je en boucle. Je lui souris poliment, tenant le pot en main. C'était très gênant comme situation. Je n'allais quand même pas poser mon genou sur la chaise et commencer à le tartiner de pommade devant lui. Alors que je cherchais une solution pour en mettre discrètement, je l'entendis vaguement me dire que je pouvais la garder mais je n'eus même pas le temps de lui répondre qu'il enchaîna avec ses probabilités. Je rigolai et m’essayai sur une chaise, prenant soin que mes jambes soient cachées sous la table. Je mis rapidement un peu de crème sur le genou et massai un peu. Je.. hm.. Tu t'appelles comment? Changement de sujet. Vite, parlons, avant que je devienne aussi rouge que les tapis de la bibliothèque.

Plus j'appliquais de la pommade, plus je me maudissais de l'avoir accepté. C'était le summum de la honte, et j'espérais vivement qu'après cette entrevue, je ne le croiserai plus jamais. Quelle image ais-je donné de moi, bon dieu! Déjà que j'étais inintéressante, coincée et trop intello, voilà qu'il venait de voir mon coté idiote et maladroite. Je finis par terminer de masser mon genou et fermai le tube de pommade, le déposant au milieu de la table. Je ne savais pas trop si je devais le prendre ou si il allait le reprendre (surtout que je l'avais touché, et qu'il était comme contaminé) mais je trouvais ça très gênant de repartir avec alors qu'il ne m'appartenait même pas. Il se présenta tout en s'asseyant. Il avait un magnifique prénom qui résonnait encore dans ma tête. Aaron, Aaron.. Je secouai de la tête pour échapper à ces voix. On dirait les symptômes d'une schizophrène. Aurora.

Il complimenta mon prénom tout en rougissant. Cela me faisait fondre. C'était la première fois que je tenais une aussi longue conversation à un garçon à part avec mon meilleur ami, mon demi-frère et mon professeur. Il recommença à faire des liens, m'expliquant que si on modifiait quelques lettres de mon prénom, on arrive très vite au sien. Je ne pus m'empêcher de trouver ça adorable. J'avais récemment lu un reportage qui expliquait que faire des liens entre tout et n'importe quoi était signe d'intelligence. Ah oui, mais il faut avoir une sacré imagination pour penser à ça.. lui dis-je en plissant les yeux. Imagination qu'il a, apparemment. Mais pour éviter qu'il prenne cette remarque comme une insulte, j'ajoutai; Mais.. avoir de l'imagination est signe d'avoir une grande intelligence!

Je pense avoir dit quelque chose qui ne fallait pas parce qu'il avait tout de suite l'air moins joyeux. Je mordillai ma lèvre, tracassée, et me penchai vers lui sans pour autant lui parler. Il finit par se lever rapidement, embarquant son sac d'un geste brusque. Je me remémorai la conversation, essayant de voir ce que j'avais dit de mal. C'était courant, chez moi. Je disais beaucoup de conneries et il m'arrivait parfois de blesser des personnes à cause de cela sans pour autant le savoir. Attends! m'exclamais-je en l'attrapant par le poignet. Sa peau était chaude sous mes doigts. Un courant électrique traversa mon corps mais je ne lâchai pas son poignet pour autant. J'ai été contente de t'avoir rencontré, Aaron, lui avouais-je, un sourire timide aux lèvres. Je pouvais me permettre de dire quelque chose que je n'aurais pas osé prononcer d'habitude. De toute façon, il avait peu de chance que je le revois. Je voulais ajouter que j'étais désolée si je l'avais blessé mais je ne dis rien ,n'osant pas m'avancer sur ce sujet-là.