c'est la mi-mai, l'été arrive. le soleil tape sur la taule froissée des bagnoles qu'on a sorti du fossé. la chaleur grimpe, juste assez pour être gênante. les embruns de l'océan embaument l'atmosphère. la chevelure rousse que déa n'a pas pris la peine d'accrocher cascade sur ses épaules. il fait chaud. et sous la carcasse fumante d'une voiture mal en point, déa suffoque. une fine pellicule de sueur couvre son front qu'elle s'empresse d'éponger à l'aide d'un vieux chiffon qui traine. huile de moteur sur le front. sexy. les doigts se faufilent entre des engrenages qui font les difficiles. les méninges tournent à plein régime, essayant de se rappeler du moindre détail sur les moteurs. papy est parti en ville, il a embarqué l'impala. elle est seule au garage. elle est seule et elle n'arrive pas à trouver le problème de cette caisse. elle tourne ses pensées vers le livre qu'elle dévore en ce moment. naked lunch. la beat generation. un concentré de génie et de folie. une obscénité si pure, une retenue si malsaine. un paradoxe. l'amérique. un rêve parmi d'autres. des pas qui martèlent le gravier de l'allée et sa main qui bute sur quelque chose. un visiteur et une solution. un mystère résolu et un qui se présente.  

Norah, comme d'habitude radieuse et insouciante, se ballade dans les rues de goald coast en direction du vieux garage ou déa travaille. Cet endroit, c'est un peu comme un sanctuaire. Pour les deux filles, c'était l'endroit ou les méninges travaillaient et se reposaient en même temps. C'était toujours simple et compliqué à la fois. Norah adorait s'y réfugier, juste pour s'évader ou bien pour prendre une bonne grosse bouffée d'inspiration. Car déa dans son élément était le plus beau miracle d'anti page blanche que norah connaissait. Elle divagua quelques minutes autours des étales du marché de la petite place, prit une petite barquette de framboise puis dériva finalement jusqu'à l'allée du garage. Un large sourire se dessina sur les lèvres de la métisse alors qu'elle apercevait les pieds de son amie dépasser de sous une bagnole. « Hé ma belle, tu vas finir par cuire à rester sous le capot comme ça ! » dit-elle d'une voix cristalline avant de rigoler et de finalement se laisser tomber sur une pile de pneu non loin d'un rayon de soleil qui carraissait sa peau. « Alors tu sors un peu ou pas? »

les yeux qui s'écarquillent. norah. la voix est reconnaissable et arrache un sourire à la rousse. l'énergie positive que dégage cette fille est incroyable. dans sa main, déa observe la pointe de tournevis qu'elle vient de retrouver coincée dans la mécanique. norah arrive, le problème est résolu. « alors déjà j'te signale que je suis pas sous le capot, je suis sous la bagnole. il fait ENCORE PLUS chaud la dessous que sous un capot » qu'elle explique avec un petit rire et une pointe de sarcasme. elle agite ses pieds qui dépassent de la voiture. elle entend norah se poser pas loin. les pneus sûrement. comme toujours. quelques coups de clé à molette, un ou deux tours de tournevis et tout est rentré dans l'ordre. elle laisse glisser la planche à roulette sur laquelle elle est allongée. un vent frai qui caresse son visage. ses bras qui s'étirent au dessus de sa tête. elle pousse un soupir de soulagement. « je sors je sors, sois pas si pressée de me voir » elle rigole et vient saluer son amie. « ouais alors pas de trop près, j'ai de l'huile partout et je suis black de suie... T'AS RAPPORTÉ DES FRAMBOISES?! » elle hurle. le regard rivé sur la barquette, elle jubile. et elle se rend compte d'un coup qu'elle a terriblement soif. « j'te sers un verre ? »

Norah venait de balayer en rigolant les arguments de son amie par rapport à qulle partie de la voiture se situait la ou elle devrait elle. La métisse la regarda s'affairer à bouger ses petits pieds avant d'enfin sortir de sa cachette. Le sourire qu'affichait norah était malicieux et taquin, alors qu'elle reculait en grimaçant en voyant arriver déa   « Baaah t'es toute dégueu, m'approche pas, schrekesse ! » dit-elle tout en couvrant le fracas que faisait les paroles de déa sur les framboises « j'avais trop envie ! Bonne idée non ? » Norah saute alors sur ses pieds et finalement, claque une bise sur la joue pleine de suie de son amie.  « je veux bien ; t'as vu comme il fait chaud dehors alors qu'on est que en mai ? Je pense à une crise climatique de la chaleur, oui oui oui. »

déa essuie ses mains pleines d'huile de moteur sur son jean et elle prend son amie par le bras. un sourire vient fendre ses traits alors qu'elle tente d'attraper la barquette de framboises. « su-per i-dée » fait-elle en souriant. « nan mais clairement c'est pas normal. tu dois bien connaître des gens en fac de climato qui pourraient expliquer ça. ça existe la fac de climato ? nan j'crois pas... bref ! moi j'pense aussi à une crise de la connerie » la main pointe la bagnole dont elles s'éloignent. « sérieux j'bosse sur cette caisse depuis deux jours et en fait c'est juste un imbécile qui a laissé traîné son tournevis dans les rouages » elle secoue la tête. la gerbe flamboyante ondule dans le vent. quelques pas et elles sont dans le garage. la clim ne marche plus. les outils n'ont pas été rangés depuis belle lurette. quelques canettes de bière traînent de ci de là. la mécano lâche son amie et va fouiller dans le petit frigo d'appoint. limonade. bière. coca. un truc non identifié. elle décide de ne pas décider. le regard se fixe sur norah et se fait interrogateur, comme si elle pouvait deviner ses pensées. qu'est-ce que ce sera ? « bon sinon, comment vont les tueurs en série ? » elle commence avant que norah ne soit venu choisir ce qu'elles vont boire. elle sourit. norah, la justicière.