C'est dimanche, et il pleut. C'est la merde de gâcher une journée de week-end avec ce genre de température... Et les parents qui sont partis ce matin même pour prendre des vacances imprévues pour quelques jours en Californie. J'suis sûr que c'est aussi un plan d'affaire pour papa, il est pas trop du genre à perdre son temps sur les plages. J'ai empli la table de cuisine de papiers, de mes crayons et de tous mes outils de dessin, et pourtant les feuilles sont presque blanches. J'avais l'intention de travailler sur un projet d'université... mais voilà, je faisais autre chose. J'suis assis à notre grand îlot de granit dans la cuisine, je mange des macaronis au fromage en écoutant mon ipod, et je lis une revue de skate. J'suis tellement concentré que j'entend même pas la porte s'ouvrir et se refermer.

Je tourne les pages de mon magazine à un bon rythme, puisqu'il y a davantage d'images que de texte. J'entends un truc bizarre dans la chanson que j'écoute, une voix que je n'avais jamais remarqué. Après quelques secondes de doute, je me retourne pour voir si quelqu'un est derrière moi. J'ai un peu sursauté en voyant ma soeur, je ne m'attendais pas vraiment à voir quelqu'un apparaître! J'enlève mes écouteurs, j'ai pas vraiment compris sa question, mais je me doute bien de ce que c'est. En soupirant, je lui dit « Si tu cherches les parents, je t'annonce qu'ils sont partis en Californie ce matin même... » Je suis quand même surpris que ma mère n'ait pas pris le temps d'en avertir Amelia, habituellement elle trouve n'importe quelle raison pour l'appeler...

Je préfère ne rien répondre à sa remarque cinglante. Tout ce que je lui donne, c'est un faux sourire. Elle est si méprisante, parfois... Je la suis des yeux alors qu'elle s'approche de la table. J'espère qu'elle ne va pas prendre ses aises et rester ici cet après-midi... Je prend une bouchée et je lui réponds la bouche pleine, ce qui n'est pas poli mais je m'en fiche. « Tu m'étonnes, tu connais un nom de peintre! » Tout le monde, même les moins cultivés, connaissent au moins Picasso, mais je veux me venger pour ce qu'elle m'a dit un peu plus tôt. J'avale mon macaroni et je retourne mon attention vers mon magazine. « C'est juste un travail pour mon cours d'architecture. »  

Et voilà, en deux répliques elle a réussit à mettre ma tolérance à zéro. Je lève les yeux de mon magazine et je la dévisage, alors qu'elle regarde mes grandes feuilles presque vides qui jonchent la table. Je termine mon bol et je me lève pour aller le mettre dans l'évier avant de me rasseoir sur le banc où j'étais il y a quelques secondes. En un sens, elle avait raison. L'université n'a peut-être pas vraiment pitié de moi, mais je dois reconnaître que mes professeurs faisaient preuve d'une grande patience même si je ne viens pas souvent aux cours. Ce qu'Amelia viens de me dire attaque directement mon orgueil, et ce petit fond de vérité me dérange. Je ferais mieux de changer de sujet. « Tu venais faire quoi, ici? Tu n'es pas avec ton charmant fiancé? »