« Amelia, veux-tu me faire l’honneur de devenir ma femme ? »

Et c’était là, à cet instant précis, que son plus grand vœux venait de s’exaucer. Tout semblait être au ralenti. L’homme à genoux devant elle, le regard rivé dans le sien, pétillant d’excitation à l’idée qu’elle réponde par l’affirmative. Ses parents, à sa droite, se tenant mutuellement les mains, l’excitation se faisant ressentir dans tous leurs membres. Ses amis, ses collègues, sa famille… tous étaient là et aucun ne doutaient une seule seconde qu’elle puisse dire non. Et le problème était peut-être là finalement.

Voulait-elle vraiment se marier avec cet homme ?

Oui, bien sûr ! Lui criait sa conscience. Maximilien O’Connord était le descendant d’une grande famille irlandaise. Il venait d’une famille toute aussi respectable que celle d’Amelia. Leurs parents étaient amis depuis de très nombreuses années puisque le père d’Amelia et celui de Maximilien se fréquentaient depuis la faculté. Deux grands compagnons de chambre qui avaient convenu d’unir leur famille un jour où l’autre. Et c’était presque chose faite. Amelia était avec Maximilien depuis tellement d’années qu’elle avait fini par oublier combien exactement. C’était ça, sa vie, une succession événements battis de toutes pièces par ses géniteurs. Et le pire dans tout cela, c’est qu’elle se croyait libre.

Enfin, presque…

Parce que sous ses airs de peste snobinarde et odieuse se cachait une enfant seule et manquant cruellement de reconnaissance. Lorsqu’elle faisait les choses bien, elle n’obtenait qu’un simple sourire de son père et un regard amical de sa mère. Rien de plus. Alors que tout ce qu’elle avait toujours voulu, c’était de leur plaire. Dans tout. Tout le temps. Quoiqu’elle fasse. Ses géniteurs étaient si doués qu’ils avaient réussi à lui faire croire que cet homme, à genoux devant elle était l’homme de sa vie. Celui qu’elle aimerait pour le restant de ses jours.

Mais était-ce le cas ?

Non. Non, elle ne l’aimait pas. Elle ne l’aimerait probablement jamais. Encore faudrait-il qu’elle en prenne conscience. Moulée par ses parents pour devenir leur digne héritière, Amelia n’en était devenue qu’une simple façade. Une jolie gueule qu’on affiche aux yeux de tous, pour prôner, ô combien, ses géniteurs avaient si bien réussi dans la vie, qu’ils en avaient même eu une superbe fille. Elle n’était rien de plus et pourtant, elle se prenait pour le centre du monde. Comment ne pas l’être, alors que ses parents cédaient à tous ses caprices et son compagnon lui offrait les plus beaux bijoux. Amelia était un objet. Un objet que ses parents avaient façonné à leur image. Fausse et vide. Vide de vie, de sens et surtout, vide de liberté.

« Viens. Pars avec moi ! »

Ses paroles lui revenaient en tête. Elle savait que c’était mal, que ce n’était pas dans le plan et pourtant, lorsqu’elle était dans ses bras, elle ne s’était jamais sentie aussi vivante. Mais c’était perdu d’avance. Aimait-elle celui qui lui avait volé quelques nuits dans les draps souillés par l’adultère ?

Oui.

Était-ce suffisant ?

Non.

Parce qu’il y avait trop d’enjeux. Trop de choses à perdre. Elle parvenait facilement à s’imaginer le regard méprisant de son père et les pleurs de sa mère. Elle perdrait tout si elle laissait son cœur parler. Maximilien lui promettait une vie luxueuse, une vie comme elle l’avait toujours connu.
Quant à son amant, l’avenir qu’il lui proposait était rempli de doutes et d'incertitudes. Non, elle ne pouvait pas laisser son cœur prendre le dessus. Elle était plus forte que ça.

Alors, brisant le silence de plomb qui s’était installé, Amelia déclara un « oui, oui je le veux ! » presque timide et fut rapidement noyée par les embrassades de son, désormais, fiancé.

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