Tu es assises sur un des bancs mis à disposition au parc. Il y a beaucoup de monde; surement parce qu'il fait vraiment beau et que la chaleur est palpable. Une certaine crainte se fait sentir à l'intérieur; elle te ronge littéralement les tripes, en fait. Tes mains agrippent les rebords du banc, ton regard d'un bleu pur se pose sur tout ce qui attire ton attention - tout ce qui bouge trop. Certaines personnes te jettent des regards interloqués. Oui, monsieur, madame, j'ai l'air complètement tordue, je le sais déjà. Tu te forces à ne pas leur sauter à la gorge. Quelque chose au fond de toi te demande de rester calme. C'est ce que tu tentes de faire depuis tout à l'heure.  Tu fixes de temps à autre tes mains, qui triturent le bord de ton t-shirt nerveusement, parfois les gens qui passent trop proche du banc sur lequel tu es assis. Un point positif, c'est que personne n'ose venir poser son derrière à tes côtés.
Puis quelque chose attire ton attention. Quelqu'un allume son briquet au loin, la flamme jaillit et allume la clope qu'il tien entre ses lèvres. Ton regard s'illumine, la couleur de cette petite flamme te réchauffe le coeur, et un fin sourire vient étirer tes lèvres.

« Maman, la madame elle est bizarre... » Tonne une voix de jeune enfant à tes côtés. Tu te retournes immédiatement, voyant le regard si innocent du gamin se poser sur toi. Tu te décales un peu vers la droite puis revient à la contemplation de la flamme. Cette magnifique flamme.

Tu passes une main dans tes cheveux. Cette dernière est hésitante et un peu tremblante, mais c'est pas grave. Rien n'est grave, de toute façon.

Le regard de l'homme à la clope se pose sur toi. Tu fronces les sourcils à nouveau, puis lève la tête un peu, histoire de soutenir son regard. Lorsque tu le vois s'approcher, la panique s'empare de toi, même si tu dois avouer que tu ne sais pas pourquoi tout d'un coup, il te fait si peur. Tu serres des dents, mais continue à le regarder, même lorsque son derrière est posé sur le banc à tes côtés. Il ne dit rien. Il ne fait que fumer, rien de bien dramatique en soi. Le bord de ton t-shirt est encore la proie de tes mains qui tentent de faire passer ta nervosité, ton regard figé sur l'homme qui venait de s'asseoir. Tu n'ouvres pas la bouche, non. Qu'avais-tu à dire de si passionnant, de toute façon? Il se contre-fiche de toi, Evie. Comme le reste du monde. L'odeur de la clope va te rendre folle. Depuis combien de temps n'y à tu pas touchée? Ton corps réclamait quasiment cette clope. Tu en avais besoin pour survivre, te criais ton cerveau. Tu secouas faiblement la tête puis en passant ta main dans tes cheveux de jais une seconde fois, adressa la parole au monsieur.

« Est-ce que je pourrais te la voler quelques secondes? » Dis-tu franchement, sans hésitation, louchant un peu sur la clope.

Puis un fin sourire vient étirer tes lèvres. À ce qu'il paraît, sourire, ça donne l'air sympathique. Peut-être qu'il voudra bien me la laisser, comme ça. Tu ne connaissais pas cet homme, et il ne te connaissais pas non plus, du coup, ça pouvait paraître un peu étrange. Qu'est-ce qui n'était pas étrange, de toute manière?

L'homme à tes côtés est sympathique, très sympathique. Il sort son paquet, te sors une clope, te l'allumes puis te la tend. Un sourire sincère se pose sur tes lèvres, puis tu prend l'objet tant désiré que tu portes à tes lèvres. Tu tires une latte, lentement, profitant le plus possible de ce petit bonheur. Tu fermes les yeux quelques secondes puis soupire lorsque la voix de l'homme te demande si ça va. Un ricanement se faufile dans la conversation. Tu souffles la fumée devant toi, en fixant un point non fixe au loin. Je n'ai jamais réussi à être bien, il faut dire. Mais j'en ai marre de toujours devoir le justifier. Tu secoues la tête faiblement puis tire une autre latte, soufflant la fumée lentement.

« On fait comme on peut pour montrer aux autres qu'on va bien. » Dis-tu d'une voix un peu distante, le regard perdu dans le vide. « T'as raison, j'suis pas bien, j'en ai pas juste l'air. » Puis tu ricanes encore une fois, passant une main sur ta joue, ta clope au bec.
Tout d'un coup, ton regard se pose sur l'homme à tes côtés. Tu ne peux détourner les yeux, comme si le regarder était devenu primordial. Tu te mis à l'inspecter sans gêne. Assez grand, barbu, des cheveux du style j'ai-pas-eu-le-temps-de-me-coiffer et un look assez casual.
« Toi je supposes que tu vas bien. Les gens disent toujours qu'ils vont bien, même si dans le fond ils vivent un vrai calvaire. Je trouve ça complètement hypocrite, mais tu vois... tu peux en penser ce que tu veux. » Tu fais rouler un peu la clope entre tes doigts avant de la reporter a tes lèvres.

Ta jambe bougeait toute seule, comme si toute ton énergie était concentrée dans celle ci, comme si tu étais hyperactive. Il est vrai que tu étais plus réveillée que d'habitude, il faut dire. Tu plonges ton regard bleu ciel dans le sien et ne cille pas d'un pouce.