matinée pourrie. je ne savais même plus quoi y penser. j'avais merdé dans des papiers administratifs et pour enfoncer le bouchon, je m'étais fais engueulé par le maire. qu'est-ce que je déteste mon boulot. être enfermé dans cette putain de ville, ça me hérisse les cheveux. si je pouvais partir, je ne serais pas là depuis un bon moment. je me serais envolé pour sydney et je continuerai mes études là-bas. mais non, il en est différent aux yeux de ma mère. je dois rester ici et j'ai bien peur que j'y serais collé jusqu'à la fin de sa vie (pas la mienne, je précise). j'entre dans le bar. je sais même pas pourquoi je viens ici. la première fois, mes pas m'y ont emmené, alors j'y suis retourné la deuxième. chaque fois que j'ai un problème, je viens dans ce bar. j'entre et je commande sur un ton sec. un verre de gin, n'importe lequel.

une journée de plus. des fois, je me dis que je devrais changer de boulot. barmaid c'est plus cool à prague. ici,... y a des jours où je me fais chier grave. mais bon. aller masser les mamies qui se paye des voyages touristiques à 3 milles balles, c'est bof aussi. alors bon, on reste là, on essuie avec plus ou moins de gentillesses les quelques remarques graveleuses de mecs avec les ballons trop remplis. enfin bref. non aujourd'hui il ne s'est rien passé. j'essuie des verres, tête baissée, je pense à autre chose. un verre de gin, n'importe lequel. c'est quoi ce ton? je lève la tête, et un sourcil. ah, lui. je souris un peu et vais lui servir son verre. je le pose devant lui. - mauvaise journée?

je tape impatiemment les doigts contre le comptoir. je prends directement le verre lorsqu'il arrive dans mon champs de vision. pas de bonjour, de s'ilte plait, ni de merci. non, je suis délégué à la mairie et je vous emmerde tous aujourd'hui. je m'en fiche de blesser votre ego ou quoique ce soit. je suis mal et j'ai besoin d'un remontant, point. je me saoul et c'est tout ce qui compte. j'avale le gin d'un trait et repose brusquement le verre sur la table. je veux oublier. ouai, oublier qui je suis et pourquoi j'obéis à l'aveugle à ma mère. mauvaise journée ? je la regarde. la serveuse, eldrid si je me souviens bien. c'est pas tes affaires. je suis pas très galant. en fait, je l'aime pas cette fille. job pourri, vie d'ignorant, un esprit critique aussi gros qu'un grain de riz. elle ne sait pas ce que je vie en ce moment, ce que je peux ressentir, elle ne connait rien du monde dans lequel je vis, alors qu'est-ce qu'elle en a à faire ? un autre verre. je hoche de la tête en direction de mon verre. allez, sers-moi, t'es bonne qu'à ça de toute façon. à ça et à ramasser les pourboires. d'ailleurs, j'ignore si je vais lui en donner un ou pas. si elle continue à poser des questions idiotes, sûrement non.

c'est pas tes affaires. je souris un peu plus. bizarrement, quand c'est des jeunes qui s'énervent après moi, ça ne me fait ni chaud ni froid. surtout quand ils viennent se bourrer la gueule dans un bar tout seuls en fait. ça en dit relativement long sur le reste. un autre verre. je m’exécute. dans deux verres, il sera calmé. je repose le verre rempli devant lui et le regarde quelques secondes, tentée par le spectacle, mais non, il est encore trop clair pour se laisser faire. je vais voir d'autres clients qui, eux, se bourrent la gueule à plusieurs. - allé Eli, vient, elle sera trop cool cette soirée, on va copiner tu vas voir... - dans tes rêves Mike, et moi c'est Eldrid. cela là... dommage qu'il ai passé sa majorité depuis peu. je leur file leurs bières, ignore une remarque encore moins subtile que l'autre et retourne à mon grincheux. au moins lui, il fait pas chier. j'attrape la bouteille de gin et l'interroge du regard. ça m'étonnerai qu'il dise non, mais j'vais pas le servir pour me refaire engueuler. quoique je doute qu'il me réponde poliment.

elle s'en va. tant mieux. j'enfile directement mon deuxième verre. meeeerde, je sais même pas si j'ai de la monnaie. ça vient tout juste de m'éclairer la lanterne, j'y ai pas pensé avant. je fouille fébrilement mes poches. ce serait le comble de la journée si je devais m'enfuir du café comme un voleur. j'aime pas mon boulot, mais un minimum de respect ne tue jamais. déjà que j'ai l'impression de salir mon image de délégué en me pointant ici, dans ce trou miteux, bon pour les ivrognes... faut pas pousser le bouchon. eldrid revient. ou peut-être que c'est élise. pfff, je sais plus. et tu sais quoi ? on s'en fout un peu non ? j'veux dire, c'est pas comme si elle m'intéressait. sa vie doit être aussi merdique que la mienne, genre quotidiennement. servir des gens dans un bar, c'est assez bas comme métier et chiant aussi. la blonde me montre la bouteille. je hoche directement la tête et la lui prends des mains. elle est mienne à présent et elle ne risque pas de quitter ma place de comptoirs. je m'enfile un autre verre, puis un autre. coriace journée. j'ai bu un peu trop vite et hoquette. mer, ugh, merci. ugh. je pose ma main sur ma poitrine. désolé. et souris bêtement. je me sens plus léger à présent, plus libre.

il me prends la bouteille des mains. j'ouvre la bouche pour protester, et la referme, laissant quand même un râle sortir de ma gorge. sale gosse. soupire, et me recule pour appuyer mes fesses sur le meuble à l'arrière et croise les bras. je regarde vite fait les autres clients, s'ils sont au poil dans leurs commandes et reviens à mon râleur. histoire qu'il ne se barre pas avec la bouteille et sans payer. fin bon, il fait je le défonce. arhem... on se détend. il hoquette en me remerciant, m'arrachant un sourire. il m'agaçait, mais m'amusait quand même, alors il avait pas besoin de faire grand chose pour me faire sourire. désolé. je retiens un rire en me pinçant les lèvres et me rapproche du comptoir. - pas de soucis. ça va mieux? je pose mes mains sur le bord du comptoir. je tente, hein. voir ce que ça donne quand il est de bonne humeur.

quelques minutes me suffisent pour que ma tête commence à tourner. je cligne des yeux pour mieux me concentrer. je sais que quand je suis un peu givré, je ne suis plus le même. on a tous notre petit changement, mais j'ai peur du mien. qu'est-ce que je deviens lorsque j'ai trop bu ? après coup, j'y repense toujours et je m'en mords les doigts. ça se trouve, je baise et je drague, je suis un gros salaud, ou bien je suis violent. on ne sait jamais quelle bête on abrite dans notre inconscient. pas de soucis. ça va mieux ? je hoche gentiment la tête, à la manière d'un enfant sage. je continu de hoqueter et me tient au comptoir pour ne pas tomber ridiculement de ma chaise. un peu de tenue, voyons. ouai, c'est mieux, enfin j'ai peut-être un peu trop forcé, j'le regretterai plus tard. c'est vrai, mais tous mes soucis se sont envolés à coups d'ailes. je ne pense même plus à la journée pourrie que je viens de passer. non, là, à cet instant, toute mon attention est fixé sur la serveuse, élise ou je-ne-sais-plus-son-nom. élise et son décolleté. je lui souris vaguement lorsqu'elle se rapproche de moi. j'te paye un verre élise ? c'était bien le moins que je puisse faire, vu qu'elle me tient compagnie.

ouai, c'est mieux, enfin j'ai peut-être un peu trop forcé, j'le regretterai plus tard. cette fois, je me permet de rire. ok, il m'a l'air HS. y en a qui sont moins entrainnés que d'autres visiblement. - a part un mal de tête tu risque rien, si tu bouges pas d'ici avant d'être un peu redescendu. j'étais pour qu'il reste là. il était.... mignon. c'est très bizarre. tout à l'heure c'était un beau salaud. Et là... j'ai l'alcool joyeux, lui il a l'alcool mignon. j'ai beau avoir vu deux ou trois millions de gens bourrés, je ne connais pas encore ce type. peut-être qu'en fait, il a l'alcool câlin. je vais rester derrière le comptoir pour l'instant... on sait jamais. j'te paye un verre élise ? - appelle-moi El'. Je ne vais pas essayer de lui expliquer mon vrai prénom. j'hésite un moment. bah, y a pas de patron aujourd'hui. je vais chercher une bonne bouteille de vin. vu l'état du bonhomme, il ne remarquera pas l'addition. je me pose en face de lui, et bois une gorgée. - bon alors, j'me répète. mauvaise journée?