Je suis né comme une boite vide, une petite enveloppe à l'allure humaine qui tenait à peine dans une main. Il n'y avait à l'intérieur de moi que de simple courants d'air et lorsqu'on me tapotait du bout des doigts c'est le silence qui répondait, accompagné par le sifflement de l'air. Je sonnais creux, comme maman. Je ne pouvais pas être complet si son existence n'a jamais eu de sens. Papa disait que c'est à cause de son coeur vide que je suis arrivé ainsi, dépecé de toute vie. Alors, lorsqu'on m'a sorti, la première chose que j'ai frôlé, ce n'est ni l'amour ni les larmes ,mais des câbles électriques qui m'ont traversé pour ne plus jamais me quitter. Ils ont remplacé le vide par de l'électricité et des boîtiers, un bric à brac si dense qu'on entendait sans cesse que des tics tac et des vroums à la place des battements habituels. Le docteur disait que toute cette installation allait m'épuiser et pour qu'on puisse surveiller l'énergie dépensée, ils ont placé un compteur, là, à la place du coeur, pour qu'il distribue et équilibre ce qui traverse mes circuits. C'est la seule chose visible à l'oeil nu et c'est parce qu'il est là, trônant comme une affreuse maladie que je me savais différent. On m'appelle wall-e et lorsque je suis né, je n'étais qu'une boite vide qu'on a remplie. Je m'appelle wall-e et je ne suis qu'une machine.

Ce type n'est pas normal, décidément, il y a quelque chose chez lui qui ne tourne pas rond. Oui, comme mon compteur connard, qui débloque à chaque fois que l'électricien vient me voir. J'ai grandi depuis que j'ai été crée, c'est drôle d'ailleurs ,car je ne savais pas que les machines pouvaient grandir ,mais il en est ainsi. Je ne me voyais pas resté une petite boite pleine de fils toute ma vie. j'ai fini par m'habituer au tic tac et au vroum de mes boîtiers, papa m'avait conseillé de me mettre en veille avec de la musique et ça a fini par fonctionner, elles sont là hauts, prêtes à masquer ce qu'il se passe à l'intérieur de moi.  i must have got lost in time when I found out, i was only free to be, lorsque certaines mélodies passent par le tableau de commande dans mon crâne, elles finissent par s’y engouffrer pour ne plus jamais partir. C’est comme son visage. If you could open up your eyes, you could see what I couldn't describe. Depuis que l'électricien est arrivé, je n'arrive plus à le faire partir. C'est difficile d'être une machine au milieu d'humain. Je n'ose jamais me mettre torse nu de peur qu'on aperçoive mon lourd secret, pas que j'ai honte mais c'est difficile d'être perçu comme quelqu'un d'étrange. Papa m'a toujours conseillé de présenter la chose sur le ton de l'humour, pour que cela passe mieux. Mais je suis une machine madame, de celle qui font bip bip et qui possèdent un bouton tout prês du nombril pour être désactivé je crois qu'ils ne me prennent pas au sérieux. Pourtant, lui, il m'a toujours cru. Il s'appelle l'électricien. Il n'a jamais voulu me dire son nom, si bien que j'en ai conclu qu'il s'appelait ainsi. Il vient me voir tous les matins pour m'aider à prendre d'étrange pilules qui selon lui, permettent à mes circuits de mieux fonctionner, il touche sans cesse mon corps, regarde si tout va bien et repart comme il est venu avec la promesse de repasser encore et encore. Au début, l'électricien ne parlait pas. Il était là, presque aussi froid que mon compteur et se contenter d'écouter mes circuits avec son stéthoscope alors que je laissais mes jambes se balancer au dessus du sol. Je parlais tout seul, je lui contais mon père, ma mère et ce foutu voisin qui fait toujours trop de bruits. Je lui parlais du lycée, des élèves et de mes difficultés, des gens qui venaient vers moi afin de me parler comme on parle à un gosse qui commence à peine à écrire son prénom. Je n'ai jamais aimé le silence. Mais l'électricien si. Pourtant, un jour, alors que je lui avais raconté pour la vingtième fois la mésaventure que j'ai vécue à ma création, ce qui faisait de moi quelqu'un de bizarre, il m'a répondu, comme ça. Ça fait de toi quelqu’un d’unique. Je crois que c’est à partir de là que mon compteur c’est mit à dérailler. Son regard et sa voix, je n’arrive toujours pas à l’oublier.

J'étais bizarre pour tous ceux que je rencontrais, je n'avais pas beaucoup d'amis et peu de personnes arrivait à suivre ce que je disais. Selon papa, c'est parce qu'en tant que machine j'emmagasine plus d'informations qu'eux qu'ils ont tant de difficultés à me suivre. Mais ce n'est pas grave, car l'électricien a toujours réussi à suivre le flot de mes paroles. Avec le temps, il c'est mit à me parler un peu plus de lui, de son paquet de lucky strike au daft punk, de sa petite soeur à sa mère, de ses autres clients et tous les gens qu'il se devait de réparer. J'ai toujours été fasciné par son quotidien et sa capacité à surveiller le bon fonctionnement des autres. Minutieusement, il passait la journée à rendre visite aux gens, du vieil homme à quatre rues d'ici dont il devait surveiller le coeur à la petite fille qui avait besoin de sa piqure quotidienne. Étrangement, je me sentais surchauffer à chaque fois qu'il me disait être son préféré. L'électricien doit probablement bien connaitre son métier pour savoir quels sont les mots qui me gênent au point de me faire déraillé. Papa n'aime pas ça, les médecins non plus. Ils disent que c'est nourrir une illusion qui finira un jour par me faire tomber. Je n'ai jamais voulu comprendre de quelle illusions ils parlaient. J'avais l'électricien pour m'écouter. C'est suffisant. Oui, mais j'avais.

Un jour, l'électricien à cesser de passer et c'est un autre qui l'a remplacé, plus froid et plus distant encore. Je n'ai pas immédiatement compris pourquoi, mais je me suis senti rejeté lorsqu'il a cessé de venir me voir. j'ai pourtant espérer qu'il finisse un jour par revenir, que ça ne soit qu'une passade, une façon bien à lui de me faire disjoncter. Mais non, cela fait déjà plusieurs mois qu'il ne vient plus, alors que de ma fenêtre, je vois parfois sa voiture passer, à l'heure même où il doit se rendre chez le vieux qui habite non loin de chez moi. Papa m'a expliqué que je n'y pouvais rien et que chez les électriciens, il y a un tas de règles à respecter, des règles qu'on ne doit jamais trahir et c'est probablement l'erreur qu'il a fait. Ce que je peux en avoir rien à foutre des règles à respecter, je ne suis pas une règle moi, je suis une machine et je pensais même être un peu plus que ça à ses côtés. Je ne comprenais pas et je ne comprends toujours pas. je me sentais si désespéré que je n'ai pas hésité à aller contre les avertissements de papa pour tenter de le voir. j'ai attendu, devant la maison du vieux qu'il vient régulièrement soigner et au bout d'un moment, à attendre sous le froid, je l'ai enfin aperçu. il n'a rien voulu me dire, n'a rien voulu m'expliquer, il s'est contenter de passer à côté moi et la seule chose qu'il a accepter de me dire est un 'réveilles-toi' auquel je ne comprends rien. alors, même si l'électricien ne vient plus chez moi, je m'en vais souvent le voir, de loin, juste pour l'apercevoir et sentir le creux de mon ventre se réchauffer. ça n'a pas d'avenir ces histoires-là, je ne suis pas con à ce point-là, mais j'en ai besoin. Depuis qu'il ne vient plus, je me sens vide, malgré la fac, malgré les amis, malgré les daft punk, les lucky strike et les berceuses censé m'aider à m'endormir. c'est comme avoir vécu dans une bulle pour la sentir soudainement éclaté et entendre le brouhaha qui nous entoure. c'est étouffant. mais je n'y peux. je continuerais d'avancer, électricien ou pas.

Car je m’appelle wall-e et je ne suis qu’une machine que personne ne cherche à écouter, sauf lui.