prénom : "J'm'apelle Victoria. Les fainéants m'appellent "Vic", ceux qui manquent d'inspiration "Vicky", mais ce que je préfère, c'est qu'on m'appelle "Tori" !" nom : "Duchesne. Ouaip, c'est français." nationalité : "Australienne, bébé!" âge : "J'ai la majorité internationale depuis l'été dernier." scolarité : "J'ai du laisser tomber mes études de médecine il y a de ça deux ans, depuis j'aide mes parents à la ferme. Oui, les Duchesne vivent dans une ferme. Un commentaire ?" métier : "Je suis une cow-girl au sens propre du terme." famille : "Caroline, David et Raphaël Duchesne sont respectivement ma mère, mon père, et mon frère. Je n'ai pas vu ce dernier depuis plus de deux ans." orientation sexuelle : "J'aurais pu devenir lesbienne si je m'étais croisée dans la rue, mais je suis bien obligée de me contenter de ces énergumènes qu'on ose appeler "hommes"" statut matrimonial : "Divorcée, deux gosses placés en foyer. Non mais t'as vu ta tête ? Je préfère être seule que mal accompagnée."
"Je déteste parler de moi. Quand on me demande de me présenter, je me revois au lycée, face à ma copie blanche, à mâchouiller le capuchon de mon stylo après que le prof nous ait donné un sujet de dissert'. Panne d'inspiration. Sauf qu'il fallait bien écrire un truc. Donc je vais faire un effort.
Mais par où commencer? Ah! Je sais. Mon nom.
Comme je le disais, je m'appelle Tori. Enfin, Victoria. Victoria Duchesne. Bizarre ? Français, tu veux dire. Et c'est là que tu te demandes pourquoi, dans ce cas, je n'ai pas la nationalité française, n'est ce pas ? J'y viens.
Mes parents, Caroline et David, sont tous les deux nés, et ont grandi en France. C'est là-bas qu'est né Raphaël, mon frère, Français lui aussi. Quant à moi, je suis le fruit d'un caprice de ma mère. Elle voulait de moi comme l'on réclame ce petit chiot si mignon qui s'agite derrière la vitre de l'animalerie, chez Truffaut. Ah oui, ça aussi, c'est français.
Mettons de côté mon humour douteux et parlons plus sérieusement. J'ai été adoptée. Je vous raconte.
Alors que mon père était à l'apogée de sa carrière d'expert comptable dans une grande entreprise d'agroalimentaire, ma mère, qui exerçait à ce moment là dans un cabinet vétérinaire, est tombée gravement malade. Cancer du sein. Je vous passe la période morbide où son état de santé s'est dégradé pour sauter directement au soir où, alors qu'elle était au plus mal, mon père lui a demandé:
"Où aimerais-tu être, là, tout de suite?". Devinez ce qu'elle lui a répondu. Non ? Même pas une petite idée ?
"Au milieu des Kangourous." Deux mois plus tard, ils montaient à bord d'un avion, direction l'Australie, et rejoignais leur tout nouvel appartement de Sydney, avec leur petit garçon de quatre ans. Mais le changement n'était pas encore assez nouveau pour ma mère, qui, pendant toute sa période de convalescence, a rêvé à de nouveaux projets. Un an après leur arrivée, elle a décidé d'en mener un à bien, et celui-là, c'était moi. J'avais deux ans quand je suis devenue une Duchesne. J'avais passé les deux premières années de ma vie à faire le yo-yo entre une femme alcoolique, et un géniteur beaucoup trop lâche pour assumer ses responsabilités, ce pourquoi j'avais été placée dans un foyer. Je n'ai que très peu de souvenirs de cette période là, et les plus mauvais ont été chassés par le bonheur tout nouveau qui s'offrait à moi. Une famille, une vraie.
Deux ans après avoir mis à bien son projet d'adoption, ma mère n'avait toujours pas repris à travailler, mais avait planché des heures sur un nouveau "caprice", auquel mon père a fini par cédé, et c'est comme ça que les Duchesne rachetèrent et emménagèrent dans une vieille ferme de Gold Coast. Oui, les Français sont barges, on peut le dire ! Mais depuis qu'on l'a retapée, elle a de la gueule, notre petite ferme. Elle compte pas loin de soixante animaux, dont des vaches, cochons, moutons, poules, chevaux, chiens et chats, dont ma mère prend le plus grand soin. Mon père, quant à lui, a fait de notre campagne une exploitation, en vendant quelques produits fermiers, et en cultivant plusieurs champs de céréales, fruits et légumes. C'est de ça qu'on vit, chez les Duchesne, en plus du tourisme, depuis que la ferme est ouverte aux visiteurs.
En gros c'est ça, ma vie. Une sorte de petite maison dans la prairie, version cow-boys. Un fiasco que j'adore. Mais ce n'est plus la même chose, depuis que Raphaël est parti. Ça fait deux ans, déjà. Je me suis levée un beau matin, après avoir passé la nuit à discuter de tout et de rien avec lui dans les champs, et il avait disparu. Inutile de préciser que mes parents ont ratissé le pays entier pour le retrouver. Je ne saurais compter le nombre d'affiches que j'ai placardé partout sur mon passage. Ca a duré deux ans, jour pour jour. Deux ans pendant lesquels je l'ai remplacé à la ferme et ai laissé de côté mes études. Deux ans pendant lesquels je faisais comme si de rien n'était. Je n'ai jamais réussi à parler de ça à personne. Je n'ai jamais réussi à le pleurer. Je l'ai enfermé dans un coin de ma tête, à double tours, et j'ai jeté la clé. J'ai cru que la porte s'était rouverte quand Jacob est arrivé. Jacob, c'est cet espèce d'ovni sorti de nulle part qui fait ce qu'on appelle du "woofing" chez nous. En échange du gîte et du couvert, il donne un coup de main à la ferme. Quand il ne bosse pas, il surfe, et se pavane sur la plage en jouant le parfait Américain. Enfin, c'est ce que j'imagine, étant donné que je ne connais rien de lui, à part cet accent désinvolte, ces grandes dents blanches, et ses cheveux incoiffables. Aux yeux de mes parents, c'est le plus charmant des garçons qu'ils n'aient jamais rencontré ! Il est poli, drôle, serviable, et j'en passe. Moi, tout ce que je sais, c'est qu'il dort dans le lit de Raphaël, et que je ne supporte pas ça.
Waow. C'est fou ce que je parle. Je crois que c'est ton jour de chance. Mais je vais m'arrêter là. Si jamais tu voulais en savoir davantage, tu pourrais éventuellement venir faire un tour chez les Duchesne, et si t'es sympa, peut être qu'on discuteras autour d'une bonne bière fait maison. A voir."