il est presque vingt-deux heures, et je n'ai pas forcément sommeil. je ne cesse de cogiter. certaines choses me déplaisent. notamment dans la façon d'être de dunya. nous sommes censés jouer le petit couple parfaitement ordinaire et son insociabilité risque de fortement éveiller les soupçons sur notre passé. je ne comprends pas bien la nature de mes sentiments pour cette fille. je l'aime à en crever, et pourtant quelque chose me pousse à croire que je ne le devrais pas. c'est peut-être le fait qu'elle ait pointé son arme sur moi. je revois encore les images défiler sous mes yeux. peut-on seulement aimer quelqu'un que l'on aimerait tuer ? parfois, je me demande si l'amour que je lui porte est réellement réciproque. n'est-ce pas plutôt à sens unique ? puis, je me souviens qu'elle a tout plaqué pour me suivre et je regrette aussitôt mes pensées. je la vois, allongée sur le canapé, et son impassibilité m'agace. je fais les cent pas dans l'appartement, quelque peu agité. je soupire, je tapote du pied. quelque chose me dérange. ça me démange, j'ai envie de lui dire mes quatre vérités. j'y renonce, venant m'assoir sur le sol, adossé au canapé, puis je me relève aussitôt. « tu comptes jouer les insociables encore longtemps ? » elle me regarde d'un air perplexe. oui, c'est vrai, c'est spontané comme réaction, mais j'y songe depuis un moment déjà. « tu fais aucun effort pour t'intégrer, ça.. ça me tue de devoir tout faire. » je recommence à tourner en rond dans la pièce avant de lui refaire face, la pointant cependant du doigt. « je te parle pas de l'aspect financier des choses. je te parle du reste. t'es toujours là, à tirer la gueule. les gens n'ont même pas envie de t'approcher. tu les fais fuir et t'attires l'attention sur nous. » j'y vais un peu fort, c'est vrai, mais c'est plus fort que moi. « puis, j'ai plus vraiment l'impression que nous sommes un couple. on fornique, et après ? on n'avance pas, dunya. ça me fait chier. » je n'évoque pas la possibilité qu'on puisse rompre. bien au contraire, j'attends d'elle qu'elle réagisse, qu'elle me fasse part de ses projets d'avenir. je me vois pas vieillir sans n'avoir jamais rien construit.