Une main le secoua, ne lui tirant rien de plus qu’un grognement et un coup d’épaule, afin d’échapper au contact humain. Il aimait pas beaucoup ça, qu’on le touche, on violait la frontière qu’il avait dressé entre les gens et lui. Il avait passé une dure soirée. Enfin, ça avait dû l’être. Il en avait pas beaucoup de souvenirs, mais sa tête qui hurlait de douleur lui donnait une bonne idée de la quantité d’alcool qu’il avait pu avaler ! Il se souvenait vaguement de quelques verres dans le bar au coin de la rue, mais il devait avoir terminé sa nuit dans son appartement, à en juger par les odeurs familières qui lui chatouillaient les narines. "Debout là dedans ! Il y a un grand soleil dehors, tu devrais ouvrir les rideaux." Pour lui crever les yeux, bien sûr ! Brusquement, il les ouvrit, tombant nez à nez avec.. Violet. La petite peste, qu’est-ce qu’elle faisait chez lui ? Il jeta un regard – rapide – circulaire sur le salon, histoire de trouver la bouteille de la veille, sans succès. Est-ce qu’il en avait seulement une ? Elle devait être restée dans les toilettes, où il avait certainement dormi une bonne partie de la nuit. A moins que l’intruse n’ait pris l’initiative de lui enlever son précieux remontant, pour son bien. "Qu’est-ce que t’fous là toi ?" articula-t-il, le visage partiellement enfoui dans son coussin. "Sors d'chez moi tout d'suite." Elle semblait enjouée, c’était assez bizarre.

Je le vois regarder autour de lui, à la recherche de quelque chose. Sans doute ce qu'il semble aimer plus que tout, ses précieuses bouteilles d'alcool. J'en ai vu sur le trajet entre la porte et le canapé, mais elles étaient toutes vides. D'ailleurs, il faudrait les enlever, plus tard. Je vais y penser, ça occupera ma journée. Il est bien sûr hors de question que je parte, je suis bornée et je campe mes pieds dans le sol, avec un sourire. "Tu n'as pas répondu à mes appels, alors je suis venue voir si t'étais encore de ce monde." Et je veux aussi l'aider, même si il ne le comprend pas. Trop plongé dans sa dépendance pour se rendre compte que je ne lui veux que du bien. "Ton appartement n'étant pas verrouillé, j'ai pris ça comme une invitation à entrer. Et on ne vire pas ses invités." Ma façon de lui faire clairement comprendre que je ne partirais pas. Je me lève, et j'ouvre les rideaux, comme je l'ai proposé auparavant. Ensuite, je ramasse les bouteilles que je vois sur le sol, et je vais les jeter à la poubelle la plus proche, qui semble bientôt déborder. "Tu devrais vraiment faire du ménage plus souvent." Je montre un visage souriant, même si je doute que ça serve à quelque chose. Depuis qu'il m'a parlé de sa femme, je ressens vraiment le besoin de le sortir de tout ça, encore plus qu'avant. Que ça lui plaise ou pas.

Elle parlait trop. Pourquoi est-ce qu’elle parlait ? Elle ne pouvait pas tout simplement lui foutre la paix, aller offrir son corps à quelques hommes en chaleur comme le faisaient toutes les donzelles de son âge ! Elle était jolie, ils devaient tous se presser au portillon. Et puis, il ne comprenait pas la moitié de ce qu’elle disait de toute façon, son esprit embrumé par les vestiges d’alcool ne l’aidant pas à assimiler les mots. Elle mentionna son téléphone portable, des appels manqués, sa présence dans son appartement. Ah ça, il ne l’avait pas manqué, par contre ! "Ton appartement n'étant pas verrouillé, j'ai pris ça comme une invitation à entrer. Et on ne vire pas ses invités." Il ne l’avait pas invité, elle s’était invité, ce n’était pas la même chose. Il grogna, relevant le menton pour la foudroyer du regard, à l’instant où elle tirait les rideaux. Evidemment ! Un juron lui échappa, autant adressé à la lumière du soleil qu’à la jeune femme, tandis qu’il replongeait dans les profondeurs de son coussin.  "Tu devrais vraiment faire du ménage plus souvent." Un cliquetis de verre lui indiqua qu’elle s’en chargeait pour lui. C’était louable, mais parfaitement inutile. Il s’arma de son courage, roula sur le dos et se redressa, tournant volontairement le dos au soleil tandis qu’il se frottait les yeux, glissant une main sur sa nuque. Quelle heure était-il ? "Je t’ai rien demandé et tu ferais mieux d’t’en aller, on a pas besoin de toi ici !" Il ne savait plus trop bien ce qu’il entendait par « on » mais ça devait certainement inclure ses bouteilles. Il se laissa glisser du canapé, se penchant pour jeter un coup d’œil en dessous, trouvant enfin ce qu'il cherchait. "Ah viens par là toi !" Whisky.

Une épave, voilà à quoi il me fait penser. Allongé sur le sofa, les yeux cernés et le teint pâle, maladif, cherchant la compagnie précieuse et appréciée de ses bouteilles d'alcool. La lumière du jour semble l'incommoder, il doit préférer la noirceur de la nuit. Il devra s'y faire, d'ici quelques temps je le traînerais dehors pour lui faire prendre l'air. Le vrai air, celui qui purifie les poumons de sa fraîcheur revigorante. Mais pour l'instant, je dois subir ses invectives avec le sourire. "Si, tu as besoin de moi. Regarde toi, tu n'es plus que l'ombre de toi même." Je ne l'ai pas connu, quand il était heureux, avec la femme qu'il aimait, mais je suis certaine qu'il était bien plus agréable. Je continue de faire le tri dans son alcool, quand du coin de l'oeil je vois qu'il attrape une bouteille, pleine cette fois. Trop loin pour la lui prendre, je m'écrie : "Lâche ça !" Je soupire, regardant l'heure sur ma montre. Je m'approche ensuite de lui, pour tenter de lui retirer l'objet des mains avant qu'il ne puisse en boire une gorgée. "Il est dix heures du matin. Tu as sans doute passé la nuit à te soûler, tu ne penses pas qu'il est temps de faire une pause dans ta consommation d'alcool ?" Je secoue la tête, toute trace de sourire et de gaieté disparue.

Une ombre, c’était mieux que rien du tout, non ? "Lâche ça !" Elle pouvait pas arrêter de hurler ? Il tira avec un certain acharnement sur le bouchon de la bouteille, sans réussir à l’ouvrir, ses lèvres soudainement sèches. Il s’acharnait toujours dessus quand une main entra dans son champ de vision, saisissant l’objet avant qu’il n’ait pu l’éviter. "Il est dix heures du matin. Tu as sans doute passé la nuit à te souler, tu ne penses pas qu’il est temps de faire une pause dans ta consommation d’alcool ?" Elle le tança d’un regard sévère. Pour qui elle se prenait ? Sa mère ? Il bondit sur ses pieds avec autant de grâce qu’il était possible d’en avoir dans ces moments là, pas vraiment aidé par sa tête qui se mit à tourner dès lors qu’il fut debout. "A quoi tu joues ?! Rends-moi ça !" Il se lança en avant, refermant ses doigts autour de son poignet, sans se soucier qu’il pouvait lui faire mal. En fait, ça lui passait par-dessus la tête ! Il n’avait jamais été violent avec les femmes, mais l’alcool l’avait rendu différent, autant qu’il lui avait permis d’oublier, de passer outre les remords. "Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu m’fous pas tout simplement la paix ?" Il resserra la pression sur son bras, tirant dessus pour lui éviter toute fuite. Elle aurait tôt fait de s’échapper avec sa précieuse bouteille, elle pourrait même la vider dans l’évier sous ses yeux !

(hey hey :D je te ferais une mise en page potable ce we parce que là je suis dans mon lit et tout le monde dort et que moi j'y vais de ce pas ! en fait on est mercredi, et qui dit mercredi, dit perm l'après-midi o/)

J'ai peut-être fait une erreur en prenant sa bouteille, mais je devais réagir avant qu'il ne commence à retrouver ses démons. Il se lève avec plus de vitesse que je ne lui en aurais cru capable, après sa cuite de la veille. Je glisse la bouteille derrière mon dos, afin qu'il ne puisse pas y avoir accès. Il s'énerve, sa main se resserre sans délicatesse sur mon poignet, et je grimace. J'essaie de me libérer de son étreinte, sans succès. "Arrête, tu ne vois pas que tu me fais mal ?" Question stupide. Il ne doit pas s'en soucier, ne pensant qu'à son précieux bien. Je recule de quelques pas, vain effort pour qu'il me lâche. Ses mots me frappent de plein fouet. Il est tellement aveugle pour ne pas voir que je le sortir de l'enfer de l'alcool ? "Je veux t'aider ! On est dimanche, et toi, t'es tout seul dans ton appartement, à boire, encore et encore. Je ne vais pas te laisser bousiller ta vie." Sa prise se fait encore plus forte autour de mon bras. Je serre les dents pour ne pas laisser échapper un gémissement. "Tu penses que ta femme aurait voulu ça pour toi ? Réveille toi ! " Toute la joie que j'affichais sur mon visage s'est envolée. Désormais, je suis furieuse, et je ne pense plus à ce que je dis. Je ne réfléchis pas à l'impact que peuvent avoir mes paroles, et je me rends compte trop tard que parler de sa femme n'est peut-être pas une bonne idée.

Elle ne semblait plus très heureuse maintenant. Elle s’était bercée d’illusions si elle avait cru pouvoir le sortir de son trou en lui volant une bouteille ou en l’attaquant sur son passé ! En plus, sa vie était déjà foutue, ce qui n’était pas le cas de la sienne. Elle ne savait pas profiter des bonnes choses, cette gamine capricieuse. "Tu penses que ta femme aurait voulu ça pour toi ? Réveille toi !" Les mots le frappèrent, incendiant son esprit déjà bouillonnant de rage. Mais pour qui elle se prenait ? Elle s’imaginait l’aider, mais elle ne faisait que le tirer davantage vers le fond. Elle ne savait rien de lui, ne connaissait qu’un infime fragment de son existence, elle ne pouvait pas l’aider. Il cracha, venimeux. "Je t’interdis de parler de ma femme !" Il n’aurait su dire comment elles étaient arrivées, mais ce n’est que lorsque les premières d’entre elles débordèrent de son regard qu’il réalisa que les larmes lui étaient montées aux yeux. Voilà qu’il pleurait ! Il n’avait pas songé à sa femme depuis longtemps. "Je te l’interdis, c'est clair ?!" Il avait hurlé, cette fois, de douleur autant que de colère. Il relâcha la pression de ses doigts sur son poignet, balayant les perles glissant sur ses joues d’un revers de la main avant d’ajouter : "Tu la connaissais pas, Violet, et tu m’connais pas non plus, tu peux pas décider de c’qui est bien pour moi, de c’que je dois faire ou ne pas faire !" Il souffla, giflant l’air de la main avant de la repousser, titubant jusqu’à la cuisine, où il comptait bien trouver une autre bouteille. "Sors de ma vie, ça vaudra mieux pour toi."

"Bravo Violet, t'as encore fait une belle connerie", je pense en le regardant s'époumoner contre moi. Je vois les larmes couler contre ses joues, qu'il chasse de la main, libérant mon poignet par la même occasion. Je pourrais aller vider la bouteille maintenant, pourtant je reste là, à l'écouter déverser sa fureur sur moi. Je me tais, les yeux mi-clos. Ce n'est que lorsqu'il me pousse pour se diriger vers la cuisine que je réagis. Je me tourne vers lui et à mon tour, j'attrape son avant-bras. Juste pour qu'il s'arrête de marcher, un instant. Le calme après la tempête. "Tu as raison. Je ne connaissais pas ta femme, et je ne te connais pas non plus." C'est la vérité, et je ne le nierais pas. Je reprends, doucement : "Pourtant, je sens que je peux t'aider. Arrête de me repousser, et tu verras. Tu ne peux pas continuer comme ça, à noyer ton chagrin dans l'alcool." Je soupire légèrement, j'ai un mal de crâne qui commence. "Tu es maître de ta vie, Simons, alors dirige la, au lieu de laisser ce rôle à tes bouteilles." Mes paroles sont maladroites, je le sais, mais je fais de mon mieux.

Un long frisson parcourut sa colonne vertébrale quand elle saisit son bras, imprimant une pression légère, mais suffisante pour le retenir. Elle n’était pas très forte, pas assez pour l’empêcher de se dégager s’il essayait, mais le geste était interpellant ! Il se figea donc, frémissant sous l’effet de la tension. "Pourtant, je sens que je peux t'aider. Arrête de me repousser, et tu verras. Tu ne peux pas continuer comme ça, à noyer ton chagrin dans l'alcool." Il n’avait jamais voulu de la compassion des autres, même avant le décès de sa femme et les choses ne risquaient pas de changer de si tôt ! Son acharnement à le sortir de son alcoolisme était touchant, mais sans même s’en rendre compte, elle lui faisait davantage de mal que de bien. Il songea qu’elle lui affirmerait probablement qu’il s’agissait d’une étape tout à fait normale pour ce genre de d’épreuve. Foutaises ! Il lui aurait bien ri au nez, rien que pour la provoquer. Il pinça les lèvres, exprimant sa contrariété. "Qu’est-ce que j’peux faire d’autre, de toute façon ?" Et puis il ne voulait d’aucune femme à ses côtés, jugeant comme une trahison de ne serait-ce que poser les yeux sur l’une d’entre elle. Violet ne semblait pas vouloir le comprendre, ça ! "Et toi, tu comptes faire quoi ? Tu vas m’voler les bouteilles, me trainer dehors, m’emmener à des réunions d’alcooliques ? Tu comprends pas que j’suis une épave et que c’est mieux si ça reste ainsi ?" Il soupira, ses épaules s’affaissant tandis qu’il retirait doucement la main de la jeune femme de son bras. "Il y a toujours eu deux alternatives pour moi : la mort et l’alcool, estime toi heureuse qu’j’ai pas envisagé la première plus sérieusement !"

Je croise son regard lorsqu'il me demande ce qu'il peut faire d'autre que boire. Je ne détourne pas les yeux, malgré toute l'intimidation que je peux ressentir et je réponds à sa question d'un ton posé : "Sors, va voir ta famille, tes amis, fais ce qui te plaît. A part te soûler bien sûr." Je ne sais pas s'il a d'autres centres d'intérêt, mais il a bien dû en avoir, avant. Et je suis sûre qu'il a de la famille, quelque part. Et des amis, qui attendent de ses nouvelles. Enfin, je me trompe peut-être, ça ne serait pas la première fois. Il enchaîne ensuite sur deux autres question, qui me déboussolent un peu. C'est vrai, qu'est-ce que je peux faire, concrètement, pour l'aider ? Pour le moment, je n'ai fait que le harceler pour qu'ils s'ouvre à moi. Enfin, ses propositions ne me paraissent pas insensées. "Si ça peut t'aider à sortir de là, alors oui je ferais tout ça. Toutes les épaves peuvent être repêchées." Je mets toute la conviction que je peux dans mes paroles. Il retire ma main de son avant-bras, avec délicatesse cette fois-ci. Et se met ensuite à parler de mort, et de choix entre celle-ci et l'alcool, ce qui me fait grimacer. "Ne dis pas ça. Il y a d'autres solutions." Je les aies déjà cité auparavant, et je serais prête à les redire, s'il le faut.