ce n'est pas moi ce soir qui s'occupe du bar, ce n'est pas moi qui s'occupe de surveiller les gens comme s'ils étaient mes enfants, non, ce soir, je m'occupe d'aller voir un mec qui a fait du mal à ma soeur. je ne suis pas violent, en fait, je ne l'ai jamais été, il a seulement besoin de savoir. je traverse la rue, des mecs passent à côté de moi, ils disent des trucs sans sens, ils semblent chercher quelqu'un. je ne fais pas réellement attention, j'essaie de ne pas me faire renverser par la voiture qui approche. je me sens comme un héros raté. l'adresse en main, je trouve son appart, je cogne il n'y a personne. je soupire et le silence de la rue se casse par des cris, j'avance vers ces cris lentement et je remarque que ce sont les mêmes gars que j'ai croisé et ils tiennent un jeune homme dans le coin. c'est qui ? c'est dol.

(écoute c'est beau)

Du ciel bleu. Pour rendre les gens amoureux.
Du vent. Pour rendre les gens violents.
J'ai été me mettre dans une rue cachée pour retrouver Ugo, ces temps-ci il fait comme une crise d'adolescence, il se trouve moche il se trouve gros, moi je lui dis : mais non tu es un soleil et tu brilles comme le ciel la nuit, avec ses étoiles. Il dit non. Il dit je m'aime pas. Alors on se voit plus que la nuit. Et partout où il fait sombre. Là où ça cache sa laideur, il dit.
Je suis là, j'attends mon soleil, et puis :
- C'est toi ?
Moi ? Moi de quoi ?
- Non.
(Faut toujours dire non alors.)
- Fais pas l'con. On a l'fric, allez.
Ils sortent des poings, des couteaux, des gros yeux.
Mon estomac il est comme une machine à laver. Ça brasse dans tous les sens, ça essore mes tripes.
- Non je ... Oh, oh, Ariake ! Dis-dis-leur !

Peur à tout berzingue.

c'est bien lui, je vois des couteaux, des poings et puis beaucoup trop de haine et de méchanceté. je me passe une main dans les cheveux et je me faufile entre ces hommes qui regardent dol comme si il était une proie. - les mecs, ce n'est pas celui que vous croyez, vous pouvez partir, ça serait gentil, merci. je suis devant dol, prêt à le protéger si tout tombe. les hommes se regardent entre eux, se demandant quoi faire. - t'es qui toi ? c'est pas à toi qu'on veut parler, c'est au petit morveux derrière toi. je me retourne vers ce dol. je lui murmure. - quand je te dis go, on s'en va d'accord ? j'attends qu'il me fasse un signe de tête avant de me retourner. - on veut juste partir, le mec que vous cherchez ce n'est pas lui. celui avec le couteau avance, je le vois, je me recule, reculant dol.

Ariake, le japon aux allures de super héros.
Il est bien en bouclier humain, il me cache derrière lui et je deviens comme invisible, comme Ugo aux yeux des autres. Et moi je suis bien derrière lui, j'ai moins peur. Je touche son dos, ça ne tremble même pas, même pas comme une plume d'oiseau.
Il est fort.
- Les mecs, ce n'est pas celui que vous croyez, vous pouvez partir, ça serait gentil, merci.
Sans monter la voix. Rien.
Je retiens un ouah, je le garde au creux de ma tête.
- T'es qui toi ? c'est pas à toi qu'on veut parler, c'est au petit morveux derrière toi.
Laissez-moi en dehors de ça, vraiment.
(Mais ça aussi : au creux de ma tête.)
- Quand je te dis go, on s'en va d'accord ?
- Comme dans un James Bond ? (je chuchote bien bas, même les étoiles doivent tendre l'oreille.)
- On veut juste partir, le mec que vous cherchez ce n'est pas lui.
Ils s'en foutent, ils avancent un pied. Ariake tu fais le dur, mais tu vas nous faire mourir. Alors moi je crie cette fois. Jusqu'au ciel.
- GO !
C'est la course du siècle je te jure. Au début je suis 007 poursuivi par des malfrats de la drogue, je vole à tout berzingue, à ma prendre les pieds dans mes pieds mais je les évite de justesse.
Et puis ça se transforme en quelque chose de plus beau. Qui me fait rire comme tout. Je prends la main d'Ariake et je l'entraîne plus vite. Et puis je crie, je crie, je chante aux oiseaux.
C'est la course après la vie.

il vole et c'est à peine si je le remarque. mon souffle se coupe, j'ai peur qu'il se fasse prendre la cheville, qu'il se fasse capturer et puis non, il court. je viens de comprendre son signal, alors je commence à courir à mon tour tout en le suivant, bientôt je le dépasse, bientôt c'est moi qui le tire. j'ai cette impression de voir deux enfants qui courent des ennuies et des réprimandes de leurs parents. je commence à rire et je m'arrête tout d'un coup, pour me retourne et lancer dol sur mes épaules. - tu es certain que tu es fais avec des os et des muscles ? dol est une plume, et puis j'entends les hommes crier à l'arrière, ils nous détestent et ça, je l'avais bien compris. je tourne un coin de rue, et puis un autre, je ne sais pas où aller, puis je vois un restaurant, je rentre à l'intérieur, les gens nous regardent, mais je continue de courir jusqu'aux toilettes. mon but est atteint, mon trophée sur les épaules, je le dépose tout doucement au sol. - on est libre maintenant. je ris en me laissant glisser jusqu'au sol et je respire toute l'air de la terre.

Ariake me coupe devant, il doit avoir envie encore plus que moi de l'attraper et d'en faire sa propriété, je sais pas. Mais il est gentil et il m'emmène avec lui, comme ça, on sera tous les deux les rois du monde.
Lui les pieds sur terre, moi sur son dos.
- Tu es... des os ... muscles ?
C'est ce que sa voix essaie de me dire mais les mots s'éparpillent et j'en attrape un sur deux, un sur six, tant pis, je mets ma tête dans son cou et me laisse porter.
Ses cheveux sentent la fleur.
Ils sont emmêlés par notre course.
Et puis derrière nous il y a toujours les voyous, je les vois, je leur tire grand la langue, ça me fait rire, très haut, très loin.
(Pas eux.)
Ariake, il prend son rôle très au sérieux, avec la menace derrière nous il accélère trois fois plus, la vie est pas si près de nous finalement, il faut lui courir après très fort et puis surtout semer les bandits.
On trouve refuge quelque part où c'est plein de gens - fast food, mairie, boîte de nuit, je sais pas moi - puis dans des toilettes. Je suis posé par terre, les deux pieds à plat sur le carrelage, et puis mon héros s'effondre par terre, les poumons vide d'oxygène, mais il se marre alors il a pas l'air de trop, trop m'en vouloir.
- On est libre maintenant.
J'ai peur quand même.
Je me laisse tomber à côté de lui.
- Tu crois ? Tu crois qu'ils sont partis ? Si ça se trouve ils attendent derrière la porte ! Comment on va faire on pourra plus jamais sortir ... J'veux pas vivre dans des toilettes, j'veux voir le ciel moi, et puis aller le chatouiller ... Et toi ! tu dois te marier avec la fille, la blonde du parc !
Chocottes.
J'en laisse échapper mes manières.
- Merci. Ils m'auraient fait du mal si t'étais pas venu. Merci. J'ai rien fait d'mal j'te jure ils sont ... ils sont cons, merde !
Je ris dans mes mains.
Papa me fâcherait.