les animaux. (croco)

je suis debout, je la regarde apparaître tout doucement au loin, comme dans les films. le soleil est sur le point de se coucher, nous ne sommes pas les seuls à rester pour regarder. c'est un spectacle à tous les soirs. pas de paroles, juste un signe de tête qui veut tout dire et un sourire qui se veut reconnaissant. je l'aime bien cette petite et sans rien attendre, je marche lentement vers l'eau où je m'arrête pour qu'on rentre tous les deux en même temps. j'ai appris avec le temps à ne pas dépose mes yeux sur son corps, je la regarde elle, et rien d'autre. un léger frisson passe dans tout mon corps, je dépose ma main contre mon torse pour avoir l'impression de réchauffer mon corps. - elle est froide. les premiers mots, je rentre dans l'eau complètement. que la nuit commence, que les animaux sortent.

odile a eu un poisson un jour. le poisson Floyd, qu'elle l'avait appelée. Floyd c'est un prénom bizarre pour un poisson mais c'est justement la raison pour laquelle elle l'avait appelée Floyd. et aussi pour les Pink Floyd. ses parents trouvaient que Floyd n'était pas un prénom à donner à un poisson. elle leur avait répondu qu'odile n'était pas un prénom à donner à une écossaise d'origines, alors elle avait pu appeler son poisson Floyd. Floyd, c'était un prénom qui la faisait rire. Floyd, c'était un prénom aérien. un joli prénom à donner à son poisson. elle était d'ailleurs très proche de Floyd, son poisson, à tel point qu'elle pouvait le regarder des heures tourner dans son bocal. cependant, un jour, comme tous les petits poissons, Floyd périt. elle était triste. mais maintenant, elle regarde la mer et s'imagine pleins d'autres poissons Floyd et ça la fait sourire. tout comme la présence du jeune homme à ses côtés. comme tous les soirs, elle l'espionne du coin de l’œil. elle ne connait ni son prénom, ni le son de sa voix, mais c'est obsolète. elle s'en fiche de tout ça odile, elle veut juste pouvoir regarder le soleil se coucher, en compagnie du jeune homme. c'est tout. comme tous les soirs, ils sont tous les deux côtes à côtes, enveloppés par leur silence. elle n'ose pas parler odile, alors elle enfonce ses pieds dans le sable humide en attendant que le jeune homme se décide d'entrer dans l'eau. il le fait, odile le suit, comme à son habitude. mais il y a un truc qui ne se passe pas comme prévu. le jeune homme parle. odile est surprise au début, elle s'était imaginée une toute autre voix. mais celle-ci est mieux qu'elle ne pensait. elle sourit énormément odile. peut-être un peu trop. - elle l'a toujours été, mais c'est pas bien grave, on finira par ne plus avoir froid. nouveau sourire. elle le suit dans l'eau glacée, prête à redécouvrir le jeune homme.

Spoiler:

elle parle, je reste un instant dans l'eau sans bouger en tenant ma planche pour ne pas qu'elle disparaisse au loin. j'analyse sa voix un instant et je ne peux m'empêcher de sourire. ce lien qu'on avait bien d'être brisé pour en créer un nouveau. - on va devenir le nouveau titanic. je ris légèrement ne voyant pas tout à fait le lien entre maintenant et le film. je rentre complètement dans l'eau et je monte sur ma planche. j'avance lentement, et j'entends le bruit des bras de cette fille dans l'eau, pour suivre la fin de la lumière. au même moment, je parle de nouveau, je brise de nouveau ce silence. - moi c'est ariake. salut, je porte un prénom qui sonne comme un prénom de fille, mais j'ai rien d'une fille, sauf des seins. l'endroit idéal est là, alors je m'assoies sur ma planche et je la regarde elle.

odile, elle est contente d'être là. même si l'eau est un peu trop froide, même si elle pensait qu'elle n'allait pas parler. mais c'est pas très grave ça, à la rigueur, c'est même mieux que tout. elle entre de plus en plus de l'eau, qui la recouvre de plus en plus. ses chevilles, ses mollets, ses genoux, tout y passe. le froid lui donne des frissons ou alors c'est le fait d'entendre le voix du jeune homme, odile ne sait pas très bien. elle rit, d'ailleurs, lorsqu'il fait sa remarque sur le titanic. elle s'arrête bien vite, cependant. dans l'histoire, jack meurt. et même si elle ne le connait pas très bien, elle n'a pas envie que ce jack meurt. ce ne serait pas juste, à peine connu, déjà mort. odile monte vite sur sa planche de surf (en réalité, ce n'est pas la sienne, elle a emprunté celle-ci à sa petite sœur, mais chut, c'est un secret) et pagaie avec ses bras. elle ne sait pas trop où elle va, elle ne fait que le suivre, jusqu'à ce qu'il s'arrête. il lui dit son prénom. odile sourit. elle s'était imaginée un tas de prénom pour lui. elle l'appelait même william auprès de sa sœur. mais ariake, c'est joli. - j'ai jamais entendu ce prénom là auparavant, j'aime beaucoup. c'est bien mieux que william. il s'arrête, odile fait la même chose et se redresse. elle contemple le ciel et toutes les couleurs qu'il prend. elle aimerait bien les prendre, toutes ces couleurs et les jeter sur une toile vierge. ça serait beau. elle sort de ses pensées et se concentre sur le jeune homme à côté d'elle. - moi c'est odile, pas comme la méchante dans le lac des cygnes, même si on a le même nom. peut-être qu'ariake s'imaginait un autre nom pour elle. il ne le voit pas, mais elle croise les doigts en espérant ne pas le décevoir.

j'entends son rire briser le silence, au même titre que les vagues qui meurent près de nos planches. je ne peux pas m'empêcher de me retourner pour la regarder en souriant. peut-être qu'elle s'attendait à une voix plus grave venant de ma part ou une voix plus aiguë. c'est vrai que je ne m'attendais pas à une voix douce provenant d'elle, je m'imaginais une voix claire. - je te remercie, c'est japonais. et puis je comprends qu'au final, pour elle j'étais ce william. c'est la première fois que quelqu'un m'appelle de cette manière. - alors, salut, moi c'est william. c'est à mon tour de rire. c'est beau rire, c'est beau la mer, c'est beau l'océan, ce moment est beau, comme tous les autres. je prends une grande respiration. - odile, c'est bien comme prénom et j'ai pas pensé à ça sur le coup. pour moi, tu étais une jasmine. pourquoi une jasmine ? je ne sais pas, ça lui faisait bien, ça l'allait avec son visage, ça l'allait avec ses yeux, ça l'allait avec son tout à elle. le silence s'installe, je ne sais pas quoi lui dire, je n'avais jamais réellement pensé un jour lui adresser la parole, je croyais vraiment qu'on allait rester muet tous les deux. - t'as pas peur de moi ? mes yeux croisent les siens.

la bonne ambiance est là. avec le soleil qui se couche, la lune qui se dessine au loin, la mer et odile et ariake, sur leur planche, pour admirer une nouvelle fois le soleil se coucher ou s'admirer mutuellement, tout simplement. il y a ce sourire sur les lèvres d'odile, ce sourire qui ne veut pas partir, qui campe sur son visage et qui dévoile quelques unes de ses dents. elle est heureuse d'être là. plus contente d'être ici que dans son lit, qu'au supermarché, qu'au parc d'attraction. - je ne suis jamais allée au japon. c'est beau, là-bas ? enfin peut-être que tu n'y ais jamais allé. j'en sais rien. odile s'imagine au Japon. perdue entre les immeubles, dans la foule, perdue entre toutes ces technologies, perdue avec cette langue qu'elle ne maîtrise pas. elle a peur odile, parfois, de l'inconnu. d'aller là, dans un endroit qu'elle ne connait pas, sans personne. elle revient vite sur la terre ferme, sortie de ses pensées par le rire d'ariake. rire communicatif puisqu'odile se remet à rire. leurs rires se mélangent et montent jusqu'aux étoiles. odile, elle aime bien penser ça. que ses paroles, que ses rires, que ses pleurent, finissent par s'évaporer et monter au ciel, pour rejoindre le paradis des mots, des rires et des pleures. c'est peut-être un peu bête, un peu naïf, un peu gamin, mais elle y croit dur comme fer. jasmine. le prénom la fait sourire, encore plus, sûrement parce qu'elle pense à la princesse. d'ailleurs, quand elle y pense odile, elle se rend compte qu'elle a attribué un nom de prince à ariake. douce coïncidence. - c'est peut-être parce que tu pensais à la fleur, le jasmin. tu as rajouté le e pour que ça m'aille bien. elle se met à rire, une nouvelle fois, un léger rire. - salut william, je m'appelle jasmine. les paroles s'envolent et le silence s'installe. odile ne le trouve pas pesant, ce silence. elle l'aime bien, comme elle a aimé les autres moments avec ariake, sans prononcer le moindre mot. alors, elle se remet à regarder le paysage. à se perdre dans ses pensées, comme elle le fait tout le temps. elle ne trouve plus que l'eau est froide, elle ne trouve plus rien. pour elle, il n'y a plus qu'ariake et le soleil qui se couche. c'est tout. une énième fois, odile se fait sortir de sa rêverie. elle décroche son regard du paysage et les repose sur son interlocuteur. petit sourire qui naît sur son visage, tête qui se secoue de gauche à droite. - non, je devrai ? je connais ton nom maintenant, si tu me fais du mal, j'irais prévenir la police. il n'y en a pas beaucoup des ariake, moins que des william. (elle rit) tant pis si je me trompe, tant pis si je devrai avoir peur, j'aime bien ces moments-là avec toi. et toi, tu as peur ? les animaux s'apprivoisent.

odile me demande si le japon c'est beau. odile, je m'étais habitué à dire, je m'étais habitué à dire jasmine, mais pas odile. un sourire se montre sur mes lèvres. puis je pense à ce japon que j'ai connu. je dois avouer que je n'ai jamais réellement trouvé ça impressionant, peut-être parce que je viens de là, peut-être parce que j'ai tout vu. un peu comme la france avec paris, comme la floride avec disneyland, comme l'italie avec rome. - c'est beau et très différent d'ici, il y a un peu moins de gens et tu te sens un peu moins coincé. c'est comme passer de la ville à la campagne, à la différence près que tu passes d'un pays à l'autre, deux cultures différentes, des gens différents. parfois, j'aimerais bien retourner là-bas, ça me manque. voilà, je suis nostalgique. je l'entends rire, c'est bien. du coin de l'oeil, je remarque son sourire. elle ne semble pas une malheureuse de la vie, je crois qu'elle semble bien en général, je dis ça, mais je n'en sais rien au final. - ou peut-être que tu as une tête de feuille de thé et que la saveur jasmin est ta saveur préférée. moi et mes suppositions. - je suis content de te rencontrer jasmine. odile va devenir du jasmin. je prends le temps de me retourner sur ma planche pour la regarder plutôt que de regarder le soleil qui va pour s'éteindre. c'est étrange comment les rencontres peuvent changer une chose en soi. - tu me fais penser à ma petite soeur comme ça. non, je n'ai pas peur, de toute manière, je vois mal en quoi tu pourrais me faire du mal. je ne sais pas où elle pourrait cacher une arme non plus. je ne peux pas m'empêcher de sourire. - si t'as l'intention de me noyer, c'est raté. je vais apprendre au final, qu'odile est un ninja.

odile sourit. pour elle, pour le soleil, pour le ciel, pour la mer, pour le japon et pour ariake, un peu. elle aime pas trop sourire, parce qu'on voit ses dents jaunes sinon et les gens ont tendance à croire qu'elle est sale. alors, odile met sa main devant sa bouche, faudrait pas lui faire croire qu'elle n'est pas propre, surtout qu'elle s'est mis du parfum ! mais tant pis, elle sourit encore, parce que quand ariake lui parle du japon, elle se l'imagine en tête. - je croyais que c'était plus vaste, plus rempli qu'ici et que j'allais être perdue, comme une fourmi, mais ça doit être comme l'inde, avec moins de monde en plus. l'inde, les épices, le soleil, la culture. parfois ça lui manque tout ça, odile. elle voudrait y retourner, revoir ses anciens voisins, ses anciens camarades de classe. parfois tout ça lui manque et on peut la retrouver la tête dans les albums photos à étudier chacune d'entre elles minutieusement. elle a ce petit pincement au cœur en repensant à son pays d'origine. ariake a peut-être le même. si c'est le cas, odile s'excuse. elle voulait pas que son cœur picote, c'était pas fait exprès. tête de feuille de thé. odile rit. - si j'ai une tête de feuille de thé, tu es une tête à café ! ou au chocolat au lait. c'est bien aussi. elle s'imagine les cheveux bruns d'ariake avoir le goût du cacao, elle en rit, de l'imaginer en train de manger ses propres cheveux en cas de petite faim. - moi aussi william. même si je dois t'avouer, que je trouvais que tu avais plus une tête d'ariake. elle sourit encore plus lorsqu'elle le voit tourner sa planche vers elle. elle repense alors aux divers moments passés avec lui. elle aurait peut-être dû lui parler plus tôt, vu comme ils s'entendent bien. - je te fais penser à ta sœur ? elle a quel âge ? et d'ailleurs tu as quel âge ? ça se trouve je parle à un petit papy. elle rit, encore. on n'entend que ça, son rire. - oh, tu doutes vraiment de mes capacités à faire mal ? ça se trouve, j'ai une arme collée en dessous de ma planche. je la prends et boum, plus d'ariake, plus de william, plus de tête à café. elle fait mine de chercher un truc sous sa planche, avant de balancer un peu d'eau sur ariake. à défaut de le noyer, pour le moment, elle se contente de l'arroser.

je me rends compte que je me suis mal exprimé. je commence à rire, comme si j'étais seul au monde en ce moment, comme si j'étais fou en fait. en me retournant, je la vois avec une main sur sa bouche. - pourquoi tu caches ta bouche ? le premier truc qui me vient à l'esprit c'est qu'elle a un truc entre les dents. - je voulais dire qu'ici qu'il y avait un peu moins de gens, à tokyo, tu ne sais même plus où te mettre tellement qu'il y a de gens au tour de toi, mais c'est beau. et pourtant, je ne suis pas un vrai japonais, mais je ne me sens pas comme un australien, c'est une culture étrangère et j'ai encore de la difficulté à m'adapter. - l'inde ? tu viens de l'inde si je comprends bien ? elle ne ressemble pas à une indienne, peut-être qu'elle est comme moi, des parents qui décident de partir à l'aventure dans un pays autre que leur culture. j'ai une tête de graine à café ? c'est bien la première fois qu'on me la sort celle-là, je peux pas m'empêcher de rire et de lui lancer de l'eau. - tu vois, je sais pas si je dois prendre ça pour un compliment ou pas, tête de feuille de thé, ou le surnom super long. ma okiko, ma parfaite okiko. je me recule grâce à mes jambes et je me mets à côté d'elle, nos jambes se touchent presque. - ouais, t'as un peu son caractère et non, je suis pas un papy, j'ai seulement vingt-quatre ans, alors c'est peut-être toi le bébé dans tout ça hein ? et elle a dix-neuf ans ma petite soeur. et je me protège immédiatement le visage avec mes bras. - tu peux pas me tuer, sinon, les requins vont venir te manger, donc tu vois, t'es en danger aussi. et elle me lance de l'eau, je me contente seulement de la pousser de sa planche pour qu'elle tombe dans l'eau. - tu peux toujours m'attaquer ? je lui montre ma langue tout en riant.